N°5 – Semaine du 20 avril 2020
Dans le contexte inédit de l’épidémie de Covid-19, la question de la sécurité et de l’approvisionnement alimentaire revêt une préoccupation importante pour les français et sollicite la réponse adaptée des pouvoirs publics. Dans sa volonté de poursuivre le dialogue avec ses interlocuteurs institutionnels, la FNSEA a souhaité mettre en place une lettre d’information, « Le Fil Agricole », vous permettant d’être tenu informé(e), de manière hebdomadaire, des enjeux de la production et de la distribution des produits agricoles. Dans l’espoir que cette publication puisse retenir votre attention et à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires.
C’est un plan de soutien financier à la filière horticole unique en France qui a été lancé par le Conseil départemental du Loiret avec l’achat de 500 000 euros de productions aux horticulteurs locaux, durement touchés par la crise sanitaire liée au coronavirus. Cette somme d’achat sera répartie équitablement entre chaque horticulteur ayant répondu positivement à la sollicitation du Département. Plantes et arbustes viendront embellir les sites départementaux (collèges, monuments historiques, giratoires, etc.) à partir de la mi-mai 2020. La FNSEA encourage les collectivités territoriales à s’engager dans ce type de démarches solidaires pour pallier le manque de débouchés actuels de la filière horticole et pépinière, qui réalise normalement, entre mi-mars et mi-mai, 80% de son chiffre d’affaire annuel.
Nos partenaires agriculteurs en Afrique sont très fortement impactés par la pandémie. Des « ripostes » sont lancées, des initiatives multiples voient le jour et les organisations paysannes se mobilisent. Agriculteurs français et développement international (Afdi) propose ainsi une revue de presse hebdomadaire « L’Afrique face au coronavirus » pour suivre l’évolution de la situation : les mesures prises, leurs impacts, les débats relayés par les médias (si vous souhaitez vous abonner, veuillez adresser un mail à communication@afdi-opa.org). Afdi est aussi associée à deux initiatives internationales : le projet d’urgence pour la résilience des exploitations familiales face à la pandémie du Covid-19 en Afrique de l’Ouest (PUREF-COVID) mis en place par le Roppa (Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest) pour renforcer les capacités des organisations de producteurs (OP) à contribuer à la gestion de la crise et de son impact sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle, et les actions d’AgriCord (organisations de coopération internationale œuvrant en agriculture), pour formuler des mesures structurelles permettant de renforcer la capacité des producteurs et des OP à s’adapter aux nouvelles contraintes, et des réflexions afin de développer un système alimentaire plus solide et résilient.
Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificatif (PLFR) les députés ont décidé, par voie d’amendements (n°401 et 467) et avec l’accord du Gouvernement, d’assouplir les modalités d’utilisation de la DPA (déduction pour aléas), faisant écho à l’alerte lancée par la profession agricole. Les modalités d’utilisation de la DPA, bien que les conditions soient remplies dans le contexte de crise (aléas économiques et sanitaires), étaient en effet jugées très complexes à appliquer, rendant leur assouplissement plus que nécessaire. L’épargne ainsi constitué sous l’ancien régime de la DPA (150 millions d’euros estimés) pourra être mobilisé afin de renforcer en urgence la trésorerie des exploitations impactées par la crise dans les conditions plus souples et simples de la nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP), ce jusqu’en mars 2021. A son tour, le Sénat vient d’apporter son soutien à cette mesure en votant conforme la disposition (art 1er quinquies) en séance du 22 avril.
Alors que l’épidémie de Covid-19 impacte le monde agricole, ce dernier doit affronter une nouvelle menace : la sécheresse. Les premiers mois de l’année 2020 enregistrent un record de chaleur en Europe (Météo-France). Après mars qui a connu une anomalie de +1,19 degré, les températures du début d’avril ont déjà dépassé la normale et d’importants déficits de précipitation ces derniers mois pénalisent de très nombreux départements français. Les agriculteurs identifient déjà un risque de sécheresse de surface, avec notamment des conséquences sur un probable futur manque de fourrage voire un manque de paille à la suite de semis céréaliers difficiles. De manière à en évaluer l’impact sur les productions et faire le lien avec les pouvoirs publics afin d’anticiper les situations difficiles à venir (et les prévenir à l’avenir par une gestion de l’eau plus ambitieuse), la FNSEA vient de lancer auprès de ses fédérations une enquête nationale visant à répertorier toutes les difficultés déjà recensées, par territoires et productions.
Alors que la fermeture de la restauration collective et commerciale a un impact important sur la plupart des productions agricoles, les marchés alimentaires, représentant pourtant dans nombre de communes le seul accès de proximité aux produits frais, demeurent pour un grand nombre encore fermé. Alors que l’on compte plus de 10 000 marchés de plein vent (ou halles alimentaires) en France, moins de 4 000 ont obtenu une dérogation de la part de leur Préfet, sous l’impulsion des Maires (et du protocole sanitaire validé par les parties prenantes ici). Rappelons qu’au-delà des commerçants présents sur les marchés et qui vendent des produits agricoles, les producteurs agricoles représentent eux-mêmes 16 % des étals. Ainsi les producteurs fermiers, les apiculteurs ou encore les producteurs de fruits et légumes (35 % des ventes sur les marchés concernent les fruits et légumes) sont particulièrement touchés.
La FNSEA a adressé au Commissaire européen à l’Agriculture J. Wojciechowski, un nouveau courrier pour l’informer des contraintes réglementaires conduisant à geler des fonds FEADER, comme le fléchage de 5% des fonds 2015/2020 sur l’initiative Leader. Or ces fonds manquent pour permettre de soutenir les agriculteurs, via des outils financiers pour soulager les trésoreries, ou pour assurer un paiement anticipé des investissements, mais dont le contrôle final ne peut avoir lieu ou dont certains engagements ne peuvent être respectés en raison de la crise du Covid-19. La Commission européenne doit proposer ces flexibilités supplémentaires.
Contexte général
Alors que 2/3 de la consommation se portent, en cette période de crise, sur la grande distribution, il est nécessaire d’analyser avec précision l’évolution des prix alimentaires. En effet, ils sont globalement stables depuis le début de la crise : sur les deux semaines pré- confinement et la première semaine de confinement, selon IRI, les prix des produits de grande consommation ont baissé de 0,15 %, depuis ils se sont stabilisés (+ 0,01 %, Nielsen). Pour autant, certaines hausses de prix peuvent être observés (voir dans le baromètre fruits et légumes). Il est nécessaire aussi de rappeler que dans ce contexte, aucune hausse n’a été constatée sur les prix payés aux agriculteurs, c’est même parfois un effet contraire (voir dans le baromètre sur les filières animales).
Cette semaine focus particulier sur les filières suivantes : produits laitiers fermiers, aviculture, fruits et légumes, viandes ovine, caprine et bovine, piscicole, produits « festifs » et vins.
Produits laitiers fermiers
Etat général de la production / Contexte de marché : Baisse drastique des achats de fromages de tradition et de terroir : de -70% à -100% pour les producteurs fermiers, artisans, TPE et PME, qui n’ont pas la capacité à réorienter leur production, ni d’importantes capacités de stockage ; 60 % de baisse de commandes pour les fromages AOP. Actions notables : modifications du cahier des charges de certaines appellations (comté, bleu d’Auvergne…) en vue de fabriquer des produits de report entre autres, adaptations réglementaires pour les producteurs fermiers leur permettant de diversifier leurs circuits de commercialisation.
Risques identifiés / Actions envisagées : Discussions en cours pour faciliter le référencement de produits fermiers en GMS, qui reste encore difficile. A noter que la condition d’avoir au moins un salarié pour toucher le deuxième volet du fonds de solidarité (Régions) n’est pas particulièrement adapté à ce type d’exploitations.
Pisciculture
Etat général de la production / Contexte de marché : la pêche de loisir est à l’arrêt alors que la pleine saison dure de mars à juin. Les pisciculteurs réalisent 70 % de leur chiffre d’affaires sur cette période, de très petites exploitations sont touchées. Les ventes à l’export sont bloquées dans de nombreux cas (truites vivantes, œufs embryonnés de truite, œufs embryonnés de caviar, alevins de bars, de daurades et de maigres). La fermeture de la RHF a des conséquences sur l’ensemble de la filière, de même que les marchés de plein air et de nombreux rayons marée en GMS : 50 % des volumes d’activité habituels (atelier de transformation de truite, transformation et conditionnement de poissons marins). Différents métiers de la pisciculture sont impactés : les pisciculteurs marins (bar, daurade notamment), les producteurs de caviar et les producteurs de truites.
Risques identifiés / Actions envisagées : inquiétudes sur l’activité des écloseries (le secteur salmonicole exporte à 50% les œufs embryonnés produits, le secteur marin exporte à 90% les alevins produits). Le secteur développement la vente au détail, la livraison à domicile et a davantage recours aux circuits courts. Également le secteur participe à la mise en avant des produits français par les GMS. Deux priorités en termes de mesures : la gestion des surstocks et le soutien à la trésorerie.
Aviculture
Etat général de la production / Contexte de marché : Les productions les plus impactées restent les pigeons, pintades, canards (gras et maigre), cailles. Les volailles vivantes (notamment les poulettes prêtes à pondre) subissent une baisse de 70 % de leurs ventes par rapport à une situation « normale ». Comme il ne s’agit pas – au sens réglementaire – de produits de première nécessité, les conséquences sont de plusieurs ordres : stockage sur pied et risque d’abattage total des cheptels.
Risques identifiés / Actions envisagées : Un plan de relance pour les filières avicoles les plus impactés doit être étudiée d’urgence.
Fruits et légumes
Etat général de la production / Contexte de marché : Quelques tensions sur l’offre suite à la mise en avant des productions par les GMS : fraises, asperges, oignons, tomates. Concernant la salade, les volumes mis en production pour la restauration ne peuvent pas tous être totalement reportés sur la GMS, ce qui engendrera forcément de la destruction. La filière s’organise en vue de l’arrivée sur le marché des cerises, abricots, pêches-nectarines afin d’éviter toute rupture en magasins sur ces produits. Les produits vendus pré-emballés rassurent le client et sont en croissance. Dans la situation exceptionnelle que nous traversons, l’équilibre des marchés est particulièrement important. Il est essentiel de maintenir la fluidité de l’écoulement des productions françaises et de s’assurer de l’accessibilité des produits aux consommateurs. Globalement la hausse du prix du panier de fruits et légumes est contenue (moins de 1 %) : elle dépend surtout de la modification des références choisies par le consommateur (selon les disponibilités de produits en magasins). Sur quelques produits, des tensions notamment logistiques, impactent à la hausse le prix des produits.
Risques identifiés / Actions envisagées : Inquiétudes concernant le logement des temporaires et saisonniers pour la campagne (chantiers de récolte, centre de réception). Les organisations de producteurs (OP) demandent une suspension des contrôles de FranceAgriMer, dont la mise en œuvre à distance est compliquée. Ils demandent aussi la mise en œuvre de l’article 222 au niveau européen pour faciliter les échanges entre OP/Associations d’OP afin d’assurer une bonne gestion des marchés.
Ovine / Caprine (viande)
Etat général de la production / Contexte de marché : Après les fortes inquiétudes sur Pâques, la demande pour l’agneau et le chevreau était au rendez-vous, les prix payés aux éleveurs un peu moins. La campagne de communication d’Interbev commune agneau et chevreau et la mobilisation des acteurs de la production ont porté leurs fruits. Les deux viandes ont été mises en avant dans les rayons, ce qui a permis de maintenir les collectes et de relancer les abattages (proches de 2019 pour l’agneau). Cependant les efforts collectifs notamment pour adapter les conditionnements au rayon libre-service et réduire la taille des portions n’auront pas permis un rattrapage sur le prix payé aux producteurs (cotation qui a perdu plus de 60 cts/kg par rapport à la tendance observée sur 2020 pour l’agneau : 6,20 €/kg). Rappelons que concernant l’agneau, lors des fêtes religieuses Pâques juive et chrétienne, Ramadan musulman, la consommation augmente de près de 50 %. Les filières restent mobilisées pour les semaines à venir, afin de maintenir la collecte notamment pour les chevreaux – l’accord de filière ne valait que jusqu’à Pâques -, de nouvelles discussions sont en cours.
Risques identifiés / Actions envisagées : Concernant la filière ovine, la concurrence de l’import risque de se faire ressentir à nouveau avec des flux en provenance du Royaume-Uni, de l’Espagne ou d’Irlande, sachant que d’importantes quantités de viande néo-zélandaise ont déjà été stockées pour privilégier la viande française à Pâques. De plus, les consommations de ces viandes risquent de rester perturbées durant le mois de mai avec la fermeture prolongée de la restauration hors foyer alors même que les ponts du mois de mai demeurent habituellement des instants de consommation importants.
Bovin viande
La consommation reste dynamique, notamment sur le steak haché (+34 % pour le frais, +38 % pour le surgelé pour les ventes en semaine 14) ainsi que les pièces à griller (faux-filet, entrecôtes), ce qui a permis aux abattages de connaître une nouvelle hausse (+ 11 %). Néanmoins, les cotations sont, elles, en net recul : Jeune Bovin (3,87 €/kg, soit – 10 cts/kg par rapport à la semaine précédant le confinement), Vache R (3,71 €/kg, soit – 10 cts/kg par rapport à la semaine précédant le confinement).
Produits « festifs » et vins
Les produits consommés principalement lors des regroupements familiaux voient leurs ventes baisser : c’est le cas du foie gras (- 23% en valeur, Nielsen). Le rayon alcool en est un autre exemple révélateur, avec certaines catégories comme les champagnes (- 35% en valeur sur les 6 dernières semaines, Nielsen) et les vins effervescents qui connaissent de très nets reculs par rapport à 2019. Les ventes de vin tranquille en GMS sont également en baisse depuis le confinement. De plus, alors que les cafés/restaurants sont à l’arrêt et les exportations au ralenti, le vignoble doit aussi faire face au gel et à la grêle. Celle-ci a touché ces derniers jours le Bordelais.