L’Histoire retiendra de la crise du Covid-19 qu’elle fut un révélateur de la grande fragilité de nos sociétés face à l’aléa sanitaire,à la difficulté de bâtir une réponse internationale forte et concertée, et à une mondialisation ayant conduit à déléguer à des tiers la production de certains biens, même lorsqu’ils étaient de première nécessité.
Le Président de la République en a tiré les enseignements en affirmant le 13 avril dernier le besoin de « rebâtir une indépendance agricole, sanitaire, industrielle et technologique française ». Ces propos nous confortent dans notre conviction que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique et qu’elle doit être une priorité.
Depuis le début de cette crise, nous avons prouvé que nous étions encore un grand pays fort de son agriculture ! Nos concitoyens ont d’ailleurs salué notre capacité à nous adapter en un temps record à leurs nouveaux modes de consommation. Ils ont également été très nombreux à venir en aide aux agriculteurs en manque de main d’œuvre. La deuxième ligne dedéfense a tenu et chacun doit en être remercié ! Elle a tenu, mais à quel prix ! Certaines filières sont dévastées et d’autres trèsaffectées par une crise sans précédent et qui n’est malheureusement pas encore terminée.
Au-delà des fragilités conjoncturelles engendrées par cette pandémie, ce sont bien aujourd’hui nos fragilités structurelles qu’il convient de corriger car elles menacent directement notre indépendance alimentaire, et donc notre souveraineté. C’est ainsique depuis 20 ans, la production agricole française stagne alors que la population a augmenté de 11% et que le nombred’agriculteurs a baissé de près de 15% en 10 ans. Les rendements sont de plus en plus incertains compte tenu des aléas climatiques qui s’accélèrent et la recherche peine à identifier de nouveaux systèmes de production plus adaptés. Parallèlement, nos importations, « low-cost » principalement, augmentent plus vite que nos exportations. La situation de dépendance s’accroit dangereusement !
La principale vertu de cette dramatique crise aura été de rappeler les grands fondamentaux qui permettent à notre nation de traverser les siècles. Parmi ceux-ci, le défi qui consiste à rebâtir notre souveraineté alimentaire est enfin reconnu à sa juste valeur. Il est immense, car il est à fois démographique, économique et environnemental.
Mais n’oublions jamais que pour être indépendants, il nous faut aussi savoir rester compétitifs. Faute d’y veiller, les mêmes causes produiront demain les mêmes effets que ceux que nous connaissons aujourd’hui, à savoir un accroissement des importations. Renforcer notre compétitivité, c’est avant tout donner à l’agriculture française la possibilité de répondre aux attentes de tous les consommateurs, de produire toutes les gammes et pour tous lesmoments de consommation.
Pour être indépendants, il faut aussi disposer d’entreprises capables de traverser les crises. Assurer la résilience des filières agricoles et de leurs entreprises par l’accompagnement des transitions nécessaires et par une politique deprévention et de gestion des risques ambitieuse, face au dérèglement climatique notamment, est une nécessitéabsolue.
Le monde agricole propose de sceller avec les Français un « pacte de confiance » qui s’appuie sur l’engagement des acteurs des filières agricoles et alimentaires et des territoires de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique par le stockage du carbone, le développement de la biodiversité, l’utilisation raisonnée des intrants, la relocalisation de certaines productions et le développement de circuits de distribution plus courts. En contrepartie, cepacte nécessite des décideurs politiques, des citoyens et des consommateurs qu’ils permettent aux agriculteurs devivre dignement de la vente de leurs productions afin de concilier activité économique et transition agroécologique.
Rebâtir une véritable souveraineté alimentaire, c’est aussi reconstruire notre rapport au monde et à l’Europe.
Rebâtir une souveraineté alimentaire sera le chantier d’une génération. Il ne sera possible que s’il s’inscrit dans une véritable démarche de solidarité. Nous avons toujours soutenu l’idée que l’agriculture était une chance pour la France et pour l’Europe. Les circonstances le démontrent brutalement aujourd’hui ! Nous sommes conscients que chacun à un rôle important à jouer. Nous y sommes prêts !
Christiane Lambert Présidente de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA)
Samuel Vandaele, Président de Jeunes Agriculteurs (JA)
Pascal Cormery, Président de la Confédération Nationale de la Mutualité, de la Coopération et du Crédit Agricoles (CNMCCA)
Sébastien Windsor, Président des Chambres d’agriculture