N°14 – Semaine du 22 juin 2020
EXCLUSIF SONDAGE IFOP / FNSEA : LA STABILITÉ ECONOMIQUE DES EXPLOITATIONS RESTE FRAGILE
Fébrilité, confiance limitée en l’avenir, difficulté à se projeter, une certaine défiance envers les mesures économiques mises en place par les pouvoirs publics et sensibilité à l’agribashing. Tels sont les principaux enseignements que tire la FNSEA de son baromètre (lien ici) qu’elle publie régulièrement dans le cadre de l’Observatoire Emploi-Formation de la production agricole. Les données ont été recueillies entre le 9 et le 14 mars 2020, juste avant les mesures de confinement. A la question « comment évaluez-vous la situation économique actuelle de votre exploitation ? », une majorité répondent globalement de manière positive. Seuls 4% des agriculteurs interrogés répondent « très bonne », un quart d’entre eux « bonne » et 43% « acceptable ». 28% l’estiment en revanche leur situation « mauvaise » (20%) et « très mauvaise » (8%). Les résultats sont, bien entendu, contrastés en fonction des régions, des cultures et de l’âge. Le profil type de l’agriculteur jugeant sa situation « mauvaise » est âgé de plus de 60 ans (43%), dont l’exploitation s’oriente vers les grandes cultures (42%) et dont le siège se situe en Centre-Val de Loire (39%) ou en Occitanie (37%). Les agriculteurs plutôt satisfaits de leur sort ont moins de 40 ans (41%), sont horticulteurs (42%) ou viticulteurs (46%) et habitent en région Bretagne (44%). Comme s’ils avaient eu une prémonition, ils ont été 40% à considérer que « la situation économique de (mon) exploitation risquera de se dégrader dans les deux à trois ans ». C’est principalement le cas dans les exploitations du Grand Est (60%), Hauts-de-France (52%), les grandes cultures (46%) et les exploitations de plus de 100 ha (45 %). En revanche, ils étaient 21% à estimer que leur situation allait s’améliorer. Cependant, en prenant en considération le contexte politique économique et social du pays, l’inquiétude gagne : ils ne sont que 41% à se déclarer « optimistes » sur leur activité pour les années à venir quand 58% se déclarent « pessimistes ». Cette difficulté à se projeter se matérialise par des conséquences directes : un agriculteur sur dix envisage de cesser son activité dans l’année en raison de difficultés financières ; 95% des répondants ont déclaré ne pas envisager recruter de CDI et 84% d’entre eux n’ont pas l’intention d’embaucher de CDD au cours des trois prochains mois. Dernier enseignement de ce baromètre : les professionnels agricoles expriment une certaine défiance envers les mesures économiques mises en place par les pouvoirs publics (avant confinement). Ils sont 77% des agriculteurs interrogés à déclarer ne pas avoir confiance. Cette inquiétude s’exprime surtout chez les éleveurs de porcins et de volailles (84%), de bovins et de caprins (83%).
UE : LA FNSEA DEMANDE UNE RÉVISION DE LA POLITIQUE COMMERCIALE INTERNATIONALE QUI GARANTISSE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE EUROPÉENNE
La crise de la Covid-19 a mis en lumière le risque géostratégique de perte de souveraineté alimentaire au sein de l’Union européenne. Aussi, la Commission européenne a lancé une consultation pour revoir sa politique commerciale dans le nouveau contexte économique et géopolitique mondial, pour maintenir des possibilités de contribuer à la création d’emplois et à la stimulation de l’activité économique, mais aussi pour protéger les producteurs européens contre les pratiques déloyales et contribuer aux priorités plus larges de l’UE notamment dans les domaines de la durabilité et du changement climatique. La FNSEA répondra à cette consultation et attend de l’Union européenne le maintien d’une préférence communautaire suffisante permettant de produire en Europe selon les attentes des citoyens européens et non pas une avancée à marche forcée vers une ouverture complète du marché européen. Des garde-fous a minima doivent être mis en place dans le cadre des négociations commerciales pour pérenniser l’activité agricole en Europe. Au vu des améliorations numériques sur le suivi du commerce international, la FNSEA demande ainsi la mise en place de clauses de sauvegarde agricoles efficientes dans chacun des accords de libre-échange. Le classement de certains produits en « produits sensibles », voire leur exclusion des négociations tarifaires, la limitation de l’ouverture du marché sur ces produits, le respect des normes sanitaires, environnementales européennes et la reconnaissance des règles d’origine et des indications géographiques sont les conditions nécessaires au maintien des exploitations agricoles sur l’ensemble du territoire et à la satisfaction des demandes des citoyens. En parallèle, la FNSEA est favorable à des exportations françaises dynamiques, basées sur l’excellence de nos produits et le savoir-faire français. Autour du projet Export mené ces dernières années, il s’agit de construire une véritable « Equipe France », tournée vers les besoins de nos clients actuels et futurs, qui doit sécuriser les dispositifs d’exportation, promouvoir l’offre française sur les marchés stratégiques et profiter des opportunités nouvelles révélées par la pandémie, le tout en prenant en compte les attentes de durabilité de tels échanges et de consolidation des agricultures des pays en voie de développement que la crise a aussi mis en lumière.
LA CONJONCTURE DANS LA FILIÈRE LAIT DE VACHE DEPUIS LE CONFINEMENT
Pour la filière lait de vache, on note un recul de la collecte française au printemps : au mois de mai, ce recul s’élève à -1,6% par rapport à 2019. Le dispositif incitatif du CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière), créé à l’instigation de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait, association spécialisée de la FNSEA), a ainsi permis de soutenir 22 000 exploitations soit près de 40% des éleveurs français pour une baisse de 48 millions de litres de lait en avril. Cette mesure était accompagnée d’une enveloppe initiale de 10 millions d’euros qui a pu être portée à 15,28 millions d’euros pour remplir l’objectif affiché. Concernant le prix du lait, il est orienté à la baisse : le prix du lait standard a enregistré une baisse en mars et en avril, la tendance est incertaine encore pour mai/juin. En termes de consommation, elle s’est faite essentiellement à domicile et le confinement a eu un effet très positif en volume sur les produits laitiers (ce qui n’est pas forcément le cas en valeur en raison de la situation liée aux fromages AOP mieux valorisés). Selon la FNPL, la baisse des achats de la restauration hors foyer (RHF) a été plus que compensée par la hausse en GMS. Les exportations de produits laitiers restent dynamiques et ont globalement progressé de 2% en valeur sur les quatre premiers mois de l’année. On note également un recul des importations françaises au premier quadrimestre, de 9% en valeur.
LA CONJONCTURE DANS LA FILIÈRE LAIT DE CHÈVRE DEPUIS LE CONFINEMENT
Pour le lait de chèvre, pendant le confinement, l’évolution des ventes de fromages a bondi en volume (de mi-mars à début avril +15%, de mi-avril à mi-mai +17%) mais le prix s’est cependant dégradé. Alors que depuis 2015 on note une tendance à la montée en gamme des produits vendus, avec le développement des marques nationales de type AOP, le confinement est venu changer cette structure de vente, en raison de la fermeture du rayon coupe en GMS, et des craintes liées à la manipulation des produits qui ont poussé les consommateurs à acheter des produits pré-emballés, les ventes AOP et des produits fermiers se sont alors clairement repliées, en plus de la fermeture de la RHF et des marchés. La fabrication industrielle de fromages de chèvre est restée stable, mais les bûchettes et fromages affinés à la pièce ont vu leur production bondir +8% alors que les bûches à la coupe ont chuté de -23%. En ce qui concerne les exportations, elles se sont effondrées pendant le confinement, la demande nationale ayant soutenu le marché. Au déconfinement, la conjoncture se stabilise et l’année débute avec des prix en progression. Selon les régions et les situations, des solutions ont été mises en place pour permettre l’écoulement des fromages fermiers (drives fermiers, commandes groupées, livraisons, magasins spécialisés) au détriment d’une charge de travail importante. Quant à l’export, il devrait reprendre avec le déconfinement et la réouverture de frontières.
LA FILIÈRE EUROPÉENNE PORCINE SOUS TENSION AVEC LA FERMETURE D’UN ABATTOIR ALLEMAND
Selon l’IFIP (Institut technique du porc), après confirmation de nombreux employés testés positifs au Covid-19 (quatre employés sur cinq), l’abattoir Tönnies Fleisch de Rheda-Wiedenbrück a été contraint de fermer le 17 juin, mettant sous tension la filière porcine allemande. Tous les employés infectés et leurs contacts directs ont été mis en quarantaine et la date de reprise des activités n’est pas encore connue à ce jour. Le groupe Tönnies abat environ 60 000 porcs par jour, dont près de la moitié dans l’abattoir concerné, et représente en Allemagne plus de 20% de la capacité d’abattage. Selon le MPB (marché du porc breton), l’abattoir prévoit de détourner une partie des porcs vers d’autres sites du groupe ou vers d’autres abattoirs ; il est certain que cela va générer d’importants retards qui auront des conséquences sur le marché national mais aussi européen. Le risque de déséquilibre du marché est important, alors qu’en France, le cours reste à son plus bas niveau depuis plus d’un an.