Le mardi 29 septembre 2020, l’association SOLAAL, créée par l’ancien président de la FNSEA, Jean-Michel Lemétayer (1951-2013), organise pour la sixième fois la Journée nationale du don agricole au profit des plus démunis.
Les agriculteurs, coopératives, les membres de SOLAAL ainsi que tout acteur de la filière agricole sont invités à participer à cette vaste opération. Le 29 septembre sera également la journée mondiale de la lutte contre les pertes et gaspillages de nourriture. La présidente de SOLAAL, Angélique Delahaye, appelle à la mobilisation et à la solidarité.
C’est la sixième année que SOLAAL organise une campagne de collecte de dons. La précarité est-elle toujours importante en France ?
Angélique Delahaye : Malheureusement cette précarité ne cesse de croître de jour en jour. Le phénomène qui était déjà prégnant au début de l’année, s’est accentué avec la crise du coronavirus. Cette crise a encore plus creusé les inégalités en France que ce soit en ville ou dans les campagnes. Cependant, cette pauvreté se révèle plus importante en ville où elle se concentre notamment dans des endroits que l’on ne soupçonne pas toujours.
C’est-à-dire. A quelle catégorie de personnes pensez-vous ?
AD : Aux populations étudiantes. Quand vous savez que le loyer, notamment dans les grands centres urbains (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Nantes…) représente 70 % de leur budget mensuel et que le deuxième poste de dépenses est la nourriture, on mesure toute l’utilité des dons que nous pouvons recevoir. Et les étudiants ne constituent pas la seule population servie par les associations caritatives avec lesquelles nous travaillons. Il y a aussi des personnes sans domicile, les personnes âgées isolées, les familles monoparentales.
De quels produits manquez-vous le plus ?
AD : Je suis tentée de dire : de tous les produits, mais particulièrement de produits frais parce qu’ils sont compliqués à collecter, à conserver mais aussi à distribuer. Les associations d’aide alimentaire ont vu la demande augmenter de 45% par rapport à la période pré-Covid et ont dû entamer leurs stocks habituellement distribués en hiver.
Comment se fait-il que cette collecte revienne au secteur associatif ? L’État serait-il défaillant ?
AD : Notre objectif est de lutter contre la précarité et faire en sorte que chacun en France puisse manger à sa faim. Il est important que le mouvement associatif vienne appuyer un État qui ne peut pas toujours répondre présent et qui est très sollicité. Nous venons en appui et c’est notre raison d’être. SOLAAL bénéficie d’un soutien du ministère des Solidarités et de la Santé pour poursuivre son développement en région. Cependant, la crise du coronavirus nous a fait toucher les limites du bénévolat. Ainsi, pendant la période estivale, quand la saison des fruits et légumes frais bat son plein, l’écoulement des marchandises auprès de nos partenaires associatifs (Banques alimentaires, Secours populaire français, Croix-Rouge française, Restos du cœur, épiceries sociales etc.) se révèle plus compliqué faute de bras, car les bénévoles sont en congés. C’est un simple constat. Le temps du bénévolat n’est pas forcément celui du monde économique.
Biocoop organise aussi une collecte de dons juste avant vous ? N’est-ce pas un peu « inélégant » ?
AD : Il n’y a pas de concurrence dans le milieu de la solidarité. Nous ne sommes pas là pour faire la course en tête et remporter je ne sais quel trophée. Notre ambition est double : lutter contre le gaspillage alimentaire et fournir des repas équilibrés à ceux qui en ont le plus besoin et qui, aujourd’hui, n’ont pas les moyens de se nourrir correctement. Si la famine n’existe pas en France, notre pays connaît de nombreux cas de malnutrition. Une étude du Secours populaire de 2018 recense qu’une personne sur cinq en France ne mange pas à sa faim et a du mal à prendre trois repas par jour.
Quels sont les prochains défis, les projets futurs de SOLAAL ?
AD : Nous souhaitons bien entendu étendre et développer notre réseau, mieux collecter les denrées et aussi mieux les redistribuer. Certes, le produire local et le manger local contribuent, sous bien des aspects à la préservation de l’environnement. Cependant, sans une redistribution efficace, les associations d’aide alimentaire des Hauts de France ne recevraient jamais de pêches, d’abricots ou de nectarines. C’est la diversité des aliments qui contribue aussi à l’équilibre nutritionnel. Enfin nous travaillons à pouvoir distribuer un peu plus de produits transformés frais comme le fromage, là encore pour offrir de la diversité et un meilleur équilibre alimentaire aux personnes fragiles en situation de précarité. C’est pourquoi j’appelle tous les agriculteurs, les présidents de coopératives, tous les acteurs de la filière agricole à se mobiliser. A l’aune de notre histoire, nous savons que la solidarité, dans notre secteur, n’est pas un vain mot mais une réalité. Le 29 septembre : donnez !