« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France »… ce qui faisait la fierté de Sully s’écrit désormais tristement : « surtranspositions et distorsions sont les deux poisons de la France » !
Certes, l’agriculture demeure la grande fierté de l’économie française avec 14 % des emplois et près de 72 milliards d’euros de valeur créée chaque année. Elle occupe toujours la troisième place dans notre excédent commercial derrière l’aéronautique et la chimie-cosmétique.
Mais cette fierté ne dit rien de la réalité que traverse le secteur agricole Français. Une réalité que ce « chauvinisme » ne parvient plus à cacher, celui de la dégringolade de nos indicateurs de performance économiques et le sentiment de déclassement réel que vivent, chaque jour, les acteurs agricoles de notre pays.
La France fait partie des pays qui ont perdu le plus de parts de marchés agricoles dans le monde depuis 2000. Notre pays est passé de la troisième place exportatrice mondiale nette en 2005, à la sixième place, avec seulement 4,5 % de parts de marchés en 2018 (source INRA).
La raison de ce déclin historique, nous la connaissons malheureusement tous. Même la Direction générale du Trésor l’a affirmé en octobre 2018 : 70 % de l’érosion de l’excédent agricole français s’explique par notre manque de compétitivité.
Surtranspositions et distorsions tissent un inextricable carcan entrepreneurial qui freine nos capacités de production, de transformation et de projection agricole à l’export.
Surenchérissement du coût du travail, taxation des moyens de production, surtranspositions récurrentes des règlements européens à l’image du cadrage « franco-français » récent des serres chauffées en bio… autant de boulets attachés aux pieds de la ferme France. Comment raisonnablement lutter face à des concurrents étrangers qui œuvrent à des stratégies agricoles conquérantes, jouant des écarts de compétitivité, et qui imposent sans surprise leurs productions sur nos marchés hexagonaux ?
Il est inutile de se voiler la face, pour compenser ces reculs massifs de production, la France a maintenant recours à l’importation de produits agricoles et alimentaires, qui, pour une part importante, pourraient être produits sur son territoire. Depuis 2000, les importations ont été presque doublées en France (+87 %) !
Les accords de libre-échange comme les traités du CETA ou du MERCOSUR aggravent encore ce mal français. Ils mettent en exergue des écarts de compétitivité immenses et ouvrent la voie à l’importation de produits à bas coûts ne respectant aucunement nos standards de production. Ils ne feront qu’accélérer le décrochage compétitif de la ferme France et la désertification de certains de nos territoires notamment d’élevage, qui façonnent depuis tout temps nos paysages et sont sources d’une biodiversité irremplaçable.
Si la tendance actuelle se poursuit, c’est bien la question de notre souveraineté alimentaire qui est en jeu. N’est-il pas déjà trop tard, sachant que pour la première fois de notre histoire, en 2018, notre balance commerciale agro-alimentaire s’inscrit en négatif face à nos voisins européens ?
Dans un marché mondialisé de plus en plus ouvert, il est grand temps que la question de la compétitivité de la Ferme France regagne le cœur de notre stratégie agricole et alimentaire.
Plus que jamais, il y urgence à trouver le remède à ces poisons ! La France, seule, détient l’antidote. Aura-t-elle le courage de l’administrer pour maintenir son agriculture vivante et reconnue comme la plus durable au monde pour la troisième année consécutive ?
Les agriculteurs interpellent solennellement les décideurs de notre pays !
Tribune de Christiane Lambert du 29 juillet 2019