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Nous sommes rassemblés pour exprimer notre indignation face au traitement réservé à des agriculteurs, qui plus est des élus, des responsables, qui sont aujourd’hui sur le banc des accusés.
Leur faute ? Avoir exercé leur mission de défense des intérêts collectifs, avoir porté la voix du pastoralisme, de ses valeurs et de ceux qui au quotidien s’y investissent pour le préserver et le développer, en dépit des nombreux obstacles qui sont dressés sur leur route.
Il est reproché à des responsables professionnels locaux d’avoir porté publiquement le désarroi des acteurs de la ruralité alors que dans des circonstances similaires, les organisations qui nous incriminent auraient fait valoir la liberté d’expression et de réunion pour éviter toute condamnation. Nous ne pourrons pas admettre que des représentants agricoles soient traités différemment.
Si nous sommes convaincus que la Justice saura reconnaitre la légitimité de cette mobilisation, il n’en demeure pas moins que le sentiment de ne pas se sentir écouté est bien réel. Aujourd’hui, Il ne semble y avoir aucune limite au dénigrement et à la stigmatisation. C’est inacceptable et cela justifie pleinement notre indignation !
Avec les élus de la FNSEA et au nom de l’agriculture française, j’apporte mon soutien plein et entier aux 6 éleveurs à qui l’on demande de se justifier, encore et encore, et pour quels résultats, alors que leur mission, d’autant plus dans ce territoire, est essentielle à l’équilibre d’un écosystème économique, mais aussi social, très sensible. Et, en les accompagnant, c’est aussi la ruralité vivante et toutes ses aménités que je viens défendre.
Je l’entends, partout en France, les agriculteurs des territoires ruraux, les garants du pastoralisme sont exaspérés !
Exaspérés par les attaques incessantes qui leur sont faites, et qui minent au quotidien le moral et épuisent les organismes. Et pourtant, quand la communauté en a besoin, les agriculteurs répondent spontanément présent. On les a vu cet été sur les différents fronts des incendies, on les voit à chaque épisode de neige porter assistance à la voirie pour déneiger les axes routiers pour la sécurité de leurs voisins… et j’en passe : les exemples de solidarité sont quotidiens. Des actes de bienveillance innée qui ne restent malheureusement pas très longtemps dans les mémoires.
Exaspérés aussi par les pseudos débats stériles, dans lesquels plus personne ne fait l’effort d’écouter l’expérience de terrain des agriculteurs. Pourtant, qui es le plus légitime pour parler d’élevage ? De maintien de la biodiversité et du pastoralisme ? Ceux qui signent des pétitions dans leurs canapés ou ceux qui se lèvent la nuit pour accompagner leurs troupeaux en toutes circonstances ? Ceux qui brassent des concepts ou ceux qui sont en permanence en mouvement dans un territoire ?
A la pression d’une opinion bien trop souvent hors sol, s’ajoute la pression, bien palpable celle-là, de la prédation sur les élevages.
Les chiffres sont là et ils sont têtus : 80% des ours présents sur le territoire français sont en Ariège, leur population s’accroit chaque année de près de 11,5% depuis 2006. Au 30 septembre, on recensait 858 brebis mortes suite à des attaques d’ours. Récemment, un troupeau de 45 brebis mortes a été découvert à Sentein en Ariège et l’ours est tenu pour responsable de la perte le mois suivant de 170 brebis dans le Couserans.
Aujourd’hui, la situation autour de la régulation de la présence de l’ours dans les Pyrénées atteint un niveau de blocage inédit. Cela me touche personnellement parce que je suis moi-même éleveuse, mais j’invite le plus grand nombre à imaginer les ravages que peuvent engendrer la découverte d’un troupeau décimé, la vue des animaux morts dans une la violence inouïe, mutilés, éventrés, portant des stigmates de terribles souffrances, le constat de désarroi face au reste du troupeau, des rescapés terrorisés, en perte de repères.
Les pertes économiques à répétition sont insoutenables et rien ne vient atténuer un préjudice moral que les agriculteurs portent seuls. Chaque jour, il faut faire preuve d’un courage surhumain pour reprendre son activité avec la peur au ventre d’une nouvelle attaque, il faut faire preuve d’un effort considérable pour continuer à avancer avec à l’esprit la vision d’horreur des carnages passés.
Sourds depuis trop longtemps aux alertes des agriculteurs, les Pouvoirs Publics préfèrent un certain dogmatisme au fait de regarder la réalité en face. Le Président Macron avait pourtant assuré le monde rural de toute son écoute en janvier dernier… Il faut revenir à la raison !
Le moins que l’on puisse dire est que la Convention de Berne aura pleinement joué son rôle de conservation des espèces : loups, ours, vautours et j’en passe sont tellement bien conservés désormais que l’équilibre est rompu. Rappelons-le quand même, à toutes fins utiles, l’intérêt de la conservation des espèces sauvages était bien de trouver un équilibre entre activité humaine et présence animale. L’espèce en danger maintenant, c’est l’animal d’élevage. Et les agriculteurs !
Chacun de ces drames résulte de mauvaises décisions politiques et administratives. En persévérant dans leur erreur, les Pouvoirs Publics condamnent des territoires entiers, leur économie, leur attrait touristique… mais aussi la cohésion des populations, qui est pourtant si essentielle dans les zones rurales.
La mobilisation autour de la question de la prédation est réelle partout en Europe, où les situations dramatiques sont quotidiennes. Avec mes homologues européens, nous œuvrons pour maintenir le débat ouvert, pour en faire connaître la dure réalité et ses conséquences économiques, humaines, sociales.
C’est pourquoi nous appelons à une révision d’urgence du statut de l’Ours dans la Convention de Berne, comme cela a été annoncé pour le loup car c’est un fait bien quantifié désormais : les éleveurs et le pastoralisme disparaissent au fur et à mesure que les populations de prédateurs croissent. Il faut écouter et prendre en compte les demandes de ceux qui vivent et entretiennent les territoires pour trouver une issue favorable à cette insupportable situation de blocage qui n’a que trop duré !
Aujourd’hui, ne nous trompons pas de débat : ne laissons pas l’homme devenir définitivement un loup pour l’homme ! Ne laissons pas la pensée dogmatique d’un soi-disant nécessaire réensauvagement des territoires prendre le pas sur des pratiques, des équilibres qui ont fait leurs preuves. Retrouvons de la raison et de l’équilibre dans la gestion des espèces, dans la gestion des territoires.
Ensemble, défendons aujourd’hui l’agriculture, les ruralités vivantes et un pastoralisme serein !«
Christiane Lambert
La prédation des grands carnivores est méconnue. EPM, la carte prédation européenne permet, de manière simplifiée, de rassembler les indices, attaques, et incidents des grands prédateurs.