La crise sociale et démocratique que traverse notre pays depuis l’automne 2018, exprime le sentiment d’abandon, de manque d’écoute et de déclassement économique et social des classes moyennes et des habitants des territoires ruraux. C’est ce sentiment profond qui éclate au grand jour, avec son lot d’incertitudes et de débordements dramatiques.
Depuis de nombreux mois, syndicats ouvriers ou patronaux, représentatifs et élus démocratiquement, ont pourtant alerté les pouvoirs publics de la fracture manifeste entre cette France des métropoles et celle des périphéries. Leurs messages, leurs alertes, sont toutefois restés sans réponses.
La gestion de la fiscalité écologique, qui a enflammé l’opinion, démontre le décalage flagrant du message politique, de ses objectifs et des moyens pour accompagner ce mouvement. Même si le constat de l’urgence écologique est partagé par tous, la fiscalité « punitive » qui grève lourdement le pouvoir d’achat et la trésorerie des entreprises, est probablement le plus sûr moyen pour faire reculer l’adhésion à la transition écologique.
Les agriculteurs sont très directement confrontés à cette réalité puisqu’ils sont soumis à des injonctions immédiates sur leur transition écologique, fragilisant très durablement leurs équilibres économiques, dans un contexte de crises successives. Ces injonctions s’accompagnent souvent de campagnes de stigmatisation qui, au lieu de rassembler les forces dans un objectif commun, divisent et radicalisent les positions des uns et des autres. Les agriculteurs ne demandent pas à freiner cette transition, ils réclament juste que celle-ci ne fasse pas contre eux mais avec eux ! La France a, grâce à son agriculture si singulière dans le paysage mondial, la chance d’avoir un secteur économique qui peut être leader sur les plans de la performance économique et environnementale. Elle a aussi la chance d’avoir des agricultrices et des agriculteurs qui sont prêts à relever massivement les défis du développement durable. Mais encore faut-il qu’il y ait une vision stratégique, un cap et des moyens pour atteindre les objectifs !
Le Grand Débat National aura donc à répondre à cette question centrale : l’agriculture a-t-elle encore une place en France ? Une question certes provocatrice mais qui doit nous interroger collectivement sur l’avenir de ce secteur.
En effet, sans agriculture, qu’adviendrait-il de la vitalité économique de nos territoires ruraux alors que 3,5 millions de personnes travaillent dans le secteur agricole de l’amont à l’aval. C’est près de 14% de la totalité des emplois en France. Sans agriculture, comment relever le défi du développement économique des territoires ruraux ?
Quel avenir pour notre ruralité, sans les agriculteurs, les sédentaires de la terre ? Quel impact sur nos écoles, sur la vitalité de nos commerces, sur la vie citoyenne et associative ?
Quel avenir aussi pour notre sécurité alimentaire, celle de l’Europe et du monde tout entier ? Qui pour nous nourrir ? Doit-on compter sur les importations, sur une agriculture aux mains de firmes ou, au contraire, faire le choix d’une agriculture à taille humaine, durable et qualitative, si caractéristique de notre pays ?
Ces questions, un agriculteur se les pose chaque jour lorsqu’il constate le décrochage constant de notre agriculture du peloton de tête dans le monde et en Europe. Tous les secteurs et tous les territoires agricoles sont concernés. Redonner un avenir aux territoires ruraux passera inévitablement par l’impulsion de nouveaux projets agricoles. Depuis tout temps, l’agriculture est source d’indépendance et de sécurité alimentaire, d’innovations continues en matière de production alimentaire et non alimentaire, sans oublier la production d’énergies renouvelables, vraie solution à la transition énergétique.
La France ne peut pas laisser filer son agriculture, c’est une question stratégique pour l’ensemble des territoires ruraux, pour notre pays et pour la vocation, qui est la nôtre, de contribuer à la sécurité alimentaire de bientôt 10 milliards de personnes sur le globe.
Il n’y a pas de remède miracle au décrochage que subit l’agriculture, mais des pistes vers lesquelles nous devons rapidement nous engager pour relever ce défi collectif immense qui nous attend.
Dans le cadre du Grand Débat National, la FNSEA a souhaité organiser une réflexion sur les objectifs à atteindre et les propositions à déployer pour impulser cette nouvelle ambition à l’agriculture et aux territoires ruraux. Tel est l’objet de cette contribution.