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Le Fil Agricole [Covid-19] du 29 avril

29 avril 2020

N°6 – Semaine du 27 avril 2020

Dans le contexte inédit de l’épidémie de Covid-19, la question de la sécurité et de l’approvisionnement alimentaire revêt une préoccupation importante pour les français et sollicite la réponse adaptée des pouvoirs publics. Dans sa volonté de poursuivre le dialogue avec ses interlocuteurs institutionnels, la FNSEA a souhaité mettre en place une lettre d’information, « Le Fil Agricole », vous permettant d’être tenu informé(e), de manière hebdomadaire, des enjeux de la production et de la distribution des produits agricoles. Dans l’espoir que cette publication puisse retenir votre attention et à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires.

INITIATIVES AGRICOLES ET SOLIDAIRES

POUR SOUTENIR LES HORTICULTEURS, LE DÉPARTEMENT DU LOIRET ACHÈTE 500 000 EUROS D’ARBUSTES ET DE FLEURS

C’est un plan de soutien financier à la filière horticole unique en France qui a été lancé par le Conseil départemental du Loiret avec l’achat de 500 000 euros de productions aux horticulteurs locaux, durement touchés par la crise sanitaire liée au coronavirus. Cette somme d’achat sera répartie équitablement entre chaque horticulteur ayant répondu positivement à la sollicitation du Département. Plantes et arbustes viendront embellir les sites départementaux (collèges, monuments historiques, giratoires, etc.) à partir de la mi-mai 2020. La FNSEA encourage les collectivités territoriales à s’engager dans ce type de démarches solidaires pour pallier le manque de débouchés actuels de la filière horticole et pépinière, qui réalise normalement, entre mi-mars et mi-mai, 80% de son chiffre d’affaire annuel.

PRIX ALIMENTAIRES : PAS « D’ENVOLÉES » CONSTATÉES

En cette période de crise et de forte volatilité sur les marchés mondiaux, les prix à la production connaissent des tendances différentes selon les secteurs. Certaines productions semblent être payées correctement (fruits et légumes par exemple), d’autres sont payés bien en deçà de leurs coûts de production (filière bovine par exemple, le prix du kg carcasse est inférieur de 1,34 € au prix de revient défini par l’interprofession INTERBEV, source FNB). A la consommation, les prix des produits de grande consommation demeurent globalement stables comme l’ont déjà indiqué les panélistes Iri et Nielsen (- 0,15 % en début de confinement puis + 0,01 % sur les trois semaines suivantes). Cependant, certaines hausses peuvent être observées notamment sur les fruits et légumes (moins de 3 %, source Interfel). Plus qu’une hausse des prix des produits alimentaires, c’est une hausse du prix du panier moyen que l’on peut constater. A cela plusieurs raisons : l’offre disponible avec la baisse des produits d’entrée de gamme souvent importés, la forte demande en produits préemballés, le coût des transports (renchéri de 30 %, source Interfel) ou encore celui de la main-d’œuvre. (entre 30 et 50 % plus élevé selon les pays comparés, source Légumes de France).

ACTUALITÉS AGRICOLES

PLFR 2020 : LE PARLEMENT INTRODUIT LA SIMPLIFICATION DES MODALITÉS D’UTILISATION DE LA DÉDUCTION POUR ALÉAS (DPA)

Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificatif (PLFR) les députés ont décidé, par voie d’amendements (n°401 et 467) et avec l’accord du Gouvernement, d’assouplir les modalités d’utilisation de la DPA (déduction pour aléas), faisant écho à l’alerte lancée par la profession agricole. Les modalités d’utilisation de la DPA, bien que les conditions soient remplies dans le contexte de crise (aléas économiques et sanitaires), étaient en effet jugées très complexes à appliquer, rendant leur assouplissement plus que nécessaire. L’épargne ainsi constitué sous l’ancien régime de la DPA (150 millions d’euros estimés) pourra être mobilisé afin de renforcer en urgence la trésorerie des exploitations impactées par la crise dans les conditions plus souples et simples de la nouvelle déduction pour épargne de précaution (DEP), ce jusqu’en mars 2021. A son tour, le Sénat vient d’apporter son soutien à cette mesure en votant conforme la disposition (art 1er quinquies) en séance du 22 avril.

SÉCHERESSE 2020 : SE PRÉPARER A UNE POSSIBLE CRISE AGRICOLE

Alors que l’épidémie de Covid-19 impacte le monde agricole, ce dernier doit affronter une nouvelle menace : la sécheresse. Les premiers mois de l’année 2020 enregistrent un record de chaleur en Europe (Météo-France). Après mars qui a connu une anomalie de +1,19 degré, les températures du début d’avril ont déjà dépassé la normale et d’importants déficits de précipitation ces derniers mois pénalisent de très nombreux départements français. Les agriculteurs identifient déjà un risque de sécheresse de surface, avec notamment des conséquences sur un probable futur manque de fourrage voire un manque de paille à la suite de semis céréaliers difficiles. De manière à en évaluer l’impact sur les productions et faire le lien avec les pouvoirs publics afin d’anticiper les situations difficiles à venir (et les prévenir à l’avenir par une gestion de l’eau plus ambitieuse), la FNSEA vient de lancer auprès de ses fédérations une enquête nationale visant à répertorier toutes les difficultés déjà recensées, par territoires et productions.

ACTUALITÉS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES

CRISE DU COVID-19 : LA MOBILISATION EUROPÉENNE DOIT ÊTRE PLEINE ET ENTIÈRE

La Commission européenne a finalement présenté plusieurs mesures de crise : aide au stockage privé, dérogation au droit de la concurrence pour la gestion des volumes au travers l’article 222 de l’OCM (organisation commune des marchés) et flexibilités dans les programmes sectoriels ou nationaux. Pour autant, certains secteurs non ciblés par la Commission européenne méritent encore une attention particulière de l’UE. La FNSEA espère obtenir des réponses sur la demande de mesures liées aux importations qui risquent d’aggraver les déséquilibres de marchés. Si déclencher les outils est une étape majeure, ils doivent aussi s’accompagner d’un budget additionnel conséquent, garant de l’efficacité des mesures. La FNSEA demande également de vrais outils d’anticipation et de gestion de crise qui permettront d’avoir une meilleure réactivité dans l’accompagnement des exploitations.

TRANSITION POUR LA RÉFORME DE LA PAC : LE PRAGMATISME DOIT ÊTRE DE MISE

En amont du vote en Commission Agriculture du Parlement européen, la FNSEA a globalement soutenu l’approche retenue par Madame Kataïnen, rapporteure sur le dossier « transition PAC », pour les amendements de compromis. Il est en effet essentiel de maintenir, voire d’augmenter, le budget pour la PAC par rapport à la période 2014-2020, pour faire face aux enjeux et relever les défis du secteur agricole. La FNSEA est favorable à une phase de transition aussi brève que possible, tout en assurant une mise en œuvre réussie de la prochaine PAC. Par conséquent, l’option proposée par la rapporteure, reposant sur le principe d’une année, prolongée le cas échéant d’une année supplémentaire en cas de publication tardive des règlements portant sur la future PAC, est réaliste et pragmatique. Parmi les autres sujets prioritaires pour la FNSEA, figure le financement des mesures FEADER pour assurer la continuité des engagements et des paiements auprès des agriculteurs entre les deux programmations. De plus, la pandémie COVID-19 met particulièrement en relief non seulement le besoin urgent de mesures de marchés pour certains secteurs, mais aussi la nécessité pour les agriculteurs de disposer des bons outils pour assurer la résilience de leurs exploitations. Il est nécessaire de rendre plus efficaces les outils de gestion des risques. Plus globalement, l’actualité incite à mettre l’accent sur la nécessaire constitution d’une réserve de crise, hors PAC.

PARADOXE DU COVID-19 : VERS UN DOUBLEMENT DE LA FAIM DANS LE MONDE D’ICI LA FIN 2020… EN ANNÉE DE PRODUCTION AGRICOLE RECORD

Selon le dernier rapport mondial sur les crises alimentaires de l’ONU publié le 21 avril dernier, le nombre de personnes au bord de la famine a augmenté en 2019, passant de 113 à 135 millions de personnes, en raison des conflits, des problèmes climatiques et des chocs économiques. Pour 2020, une explosion du nombre de personnes au bord de la famine semble se profiler, lequel passerait de 135 à 265 millions de personnes, en raison de l’impact économique causé par la pandémie, selon une projection du programme alimentaire mondial (PAM). Ce chiffre extrêmement inquiétant est pourtant à mettre en parallèle avec des prévisions de récolte mondiale bonnes, voire exceptionnelles pour 2020/2021, avec un record attendu à 2.223 milliards de tonnes de grains, comme pour les produits animaux avec 61.5 millions de tonnes de viande de bœuf, 103 millions de volaille et 96.4 millions de porc (source USDA). Ce sont les problèmes de logistiques, de solvabilité et de restriction aux échanges qui seront à l’origine de ces difficultés. C’est aussi pourquoi les ministres de l’Agriculture du G20 ont appelé à des mesures d’urgence ciblées, proportionnées, transparentes, temporaires et compatibles avec l’OMC (sans créer de barrières inutiles au commerce ou des distorsions de la chaîne d’approvisionnement globale). Les ministres ont rappelé l’importance d’assurer un flux continu de nourriture, de produits, d’intrants essentiels à la production agricole et alimentaire et la nécessité de poursuivre leur coopération au sein des instances internationales afin de renforcer la durabilité et la résilience des systèmes alimentaires à l’échelle mondiale, « y compris aux chocs futurs dus aux épidémies et ravageurs ».

BAROMÈTRE HEBDOMADAIRE DES PRODUCTIONS AGRICOLES

Cette semaine, focus particulier sur les filières suivantes : horticole, laitière, porcine et équine.

HORTICULTURE
Etat général de la production / Contexte de marché :
Une main-d’œuvre présente sur les exploitations pour détruire du stock et/ou pour remettre en culture. Donc peu d’intérêt pour les mesures de chômage partiel.
Contexte de marché : l’accès au marché est toujours réduit malgré la réouverture des jardineries (fleuristes et marchés publics restent clos, les points de vente directe subissent une situation très hétérogène sur le terrain). Aucune dérogation accordée concernant la vente de muguet chez les fleuristes la semaine du 1er mai (qui représente 1 vente sur 3). Faute de débouchés suffisants, une partie de la production est restée dans les champs afin de limiter les coûts de main d’œuvre. La vente de muguet représente près de 22 millions d’euros de chiffre d’affaires pour la filière horticole française (chiffre 2019). L’impact ne se limite pas aux fleurs, des arbres avaient été arrachés pour répondre aux commandes des marchés publics de printemps, mais ces chantiers ont été stoppés d’ici les prochaines semaines, la destruction des végétaux risque de ne pas pouvoir être évitée.
Risques identifiés / Actions envisagées : ¾ du chiffre d’affaires annuel est réalisé entre le 15 mars et le 15 juin, soit 800 millions €. Cela correspond à 10 millions d’euros de pertes moyenne de CA par jour. 50 % des entreprises sont considérées comme fragiles : pas de réserves suffisantes pour traverser cet épisode d’une ampleur inédite. Les trésoreries exsangues puisque complètement mobilisées avant le 15 mars dans la mise en culture et l’activité peu rentable ne permet pas de rembourser les PGE (Prêt Garanti d’Etat). Il est urgent et nécessaire d’étudier la prise en charge des pertes économiques.

LAIT
Etat général de la production / Contexte de marché :
Le Cniel (interprofession du lait) appelle à une diminution du pic de production printanier pour s’adapter à la demande. Habituellement, la collecte laitière progresse ainsi de 3 à 4% en avril par rapport au mois de mars. Création d’un fonds de solidarité de 10 millions d’euros par le CNIEL pour venir compenser les efforts des éleveurs qui baisseraient leur production de 2 à 5 % sur le mois d’avril à hauteur de 320 € / 1000 litres. La Commission européenne a indiqué être disposée à activer l’article 222 en réponse aux demandes sectorielles, en particulier le lait. La Commission active également une aide au stockage privé d’assurer l’équilibre des marchés, au niveau européen : beurre, poudre, fromages.
Contexte de marché : la hausse de la demande demeure significative pour les grandes familles de produits laitiers (lait liquide, beurre et crème / pas le cas des fromages AOP). La demande s’est effondrée en RHD (- 60%) et demeure fortement ralentie pour les débouchés dans les industries agroalimentaires. Les cotations du beurre et surtout de la poudre de lait écrémé sont en recul sensible : les cours de la poudre de lait écrémé ont perdu plus de 500 €/t depuis début février, en lien avec l’impact du coronavirus, alors qu’ils étaient très bien orientés en début d’année. Même si l’export reprend doucement, des problématiques logistiques persistent, liées aux transports – pénurie de container pour le fret maritime, certains ports français fermés, arrêt du fret aérien) et aux certificats pour l’export.
Risques identifiés / Actions envisagées : Baisse prononcée du prix du lait au printemps : avec des baisses de 20 à 30 € les 1 000 litres au 2nd trimestre 2020 comparé au 1er, le prix du lait conventionnel devrait se situer entre 315 et 335 € les 1 000 litres au printemps en fonction des laiteries selon l’Idèle (institut technique de l’élevage).

PORCS
Etat général de la production :
Un prix à la production qui évolue en deçà des prix observés dans les autres pays européens (1,48 €/kg, baisse de 4 cts/kg sur la première quinzaine d’avril) même si la volatilité est plus forte en Allemagne ou en Espagne par exemple.
Contexte de marché : En termes de consommation, la demande se maintient en volume, par transfert de la RHF vers les GMS. Mais la valorisation est difficile au regard des choix des consommateurs et de l’offre disponible : environ 25% des rayons traditionnels des hypermarchés ont fermé au regard de tensions sur la charge des employés et d’une baisse de leur fréquentation. Par conséquent, l’offre continue de se resserrer au détriment des produits de spécialités à plus forte valeur.
Risques identifiés / Actions envisagées : La propagation de la fièvre porcine africaine (FPA) en Pologne reste très préoccupante. Le virus se développe au nord-est de la Pologne, où se situent les grands élevages. Début avril, un élevage de plus de 10 000 porcs présents a été contaminé. L’épidémie de Covid-19 complique la situation, les autorités polonaises ayant interdit l’accès aux parcs nationaux, y compris pour les chasseurs qui œuvraient dans la lutte contre la FPA. A ce jour, les cas de sangliers contaminés se trouvent à seulement 10 km de la frontière allemande.

CHEVAL
Etat général de la production : la filière constate globalement une augmentation de ces charges dues à la mise en pension obligatoire de certaines poulinières dans les centres de reproduction, au suivi des soins, de l’alimentation et du bien-être des chevaux en l’absence de leur propriétaire ce qui augmente le temps de travail des exploitants comme de leurs salariés. Certains secteurs sont totalement à l’arrêt : le secteur des centres équestres (6500 TPE), la commercialisation des équidés, la prise en pension de nouveaux équidés notamment dans le cadre de l’élevage, de la reproduction ou du débourrage, les concours d’élevage ou les compétitions sportives, courses, vacances à la ferme. Est estimé une perte sur les 2 premiers mois de fermeture de 30% à 100% du chiffre d’affaires de la période, sachant qu’une part importante du CA annuel est réalisé entre avril et septembre. Ce chiffre d’affaires perdu ne sera pas récupérable par la suite. L’impact est très fort sur les trésoreries.
Contexte de marché : La consommation de la viande de cheval est en chute libre avec l’arrêt des référencements en GMS. Sur les centres équestres, le fonctionnement en lien étroit avec le public implique de revoir l’organisation et de réduire les capacités d’accueil y compris lorsqu’une réouverture « à la normale » sera envisagée.
Risques identifiés / Actions envisagées : Un fort risque lié à la sécheresse s’annonce avec des craintes sur l’approvisionnement en foin et paille. Des inquiétudes quant à la possibilité de tenir des événements festifs et regroupements en sortie de crise notamment en prévision de la période estivale (stages de vacances, camps et autres lieux d’hébergement de vacances). Des incertitudes sur les comportements post-confinement des cavaliers, des propriétaires de chevaux et des familles : risque de désengagement. A été identifié, un risque accentué d’abandons des chevaux âgés. Une diminution potentielle du nombre de naissances sur les prochaines années avec moins de prestations de reproduction, de débourrage, de valorisation et donc de commercialisation des équidés. Un suivi sanitaire complexifié avec des pathologies qui risquent de se dégrader. Le déficit d’apprentissage des jeunes en formation sur cette période, tant au sein des établissements scolaires qu’au sein des structures équestres qui les accueillent habituellement.

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