N°10 – Semaine du 25 mai 2020
Dans le contexte inédit de l’épidémie de Covid-19, la question de la sécurité et de l’approvisionnement alimentaire revêt une préoccupation importante pour les Français et sollicite la réponse adaptée des pouvoirs publics. Dans sa volonté de poursuivre le dialogue avec ses interlocuteurs institutionnels, la FNSEA a souhaité mettre en place une lettre d’information, « Le Fil Agricole », vous permettant d’être tenu informé(e), de manière hebdomadaire, des enjeux de la production et de la distribution des produits agricoles. Dans l’espoir que cette publication puisse retenir votre attention et à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires.
AISNE : LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL ACHÈTE 4000 MAROILLES POUR SOUTENIR LA FILIÈRE
Alors que la crise sanitaire du Covid-19 a conduit à un effondrement des ventes de fromages AOP, le Conseil départemental de l’Aisne vient de lancer une initiative originale avec l’achat de 4000 maroilles pour soutenir les éleveurs laitiers, les producteurs et les employés de la filière. L’emblématique maroilles, dont plus de 90 % de la fabrication est assurée dans le nord de l’Aisne (Thiérache), a vu au cours de ces derniers mois ses ventes s’effondrer de 40% à 90% selon les opérateurs. Ces fromages seront redistribués aux associations caritatives locales (Banque alimentaire, Restos du cœur et Croix-Rouge), en deux temps : en juin pour les industriels, puis en septembre pour les producteurs fermiers. Environ 30 000 euros seront consacrés à cet achat solidaire de maroilles. Parallèlement, le Conseil départemental associera ce fromage à une campagne promotionnelle, dès le mois de juin, à destination des régionaux et des Parisiens pour encourager le tourisme local. Une initiative que la FNSEA salue et appelle à reproduire sur l’ensemble du territoire national.
HORTICULTURE : L’APPEL DE LA FNSEA POUR UN PLAN DE SOUTIEN AMBITIEUX
En visite le 22 mai dans deux exploitations horticoles du Maine-et-Loire, la Présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a insisté sur « l’indispensable » compensation des pertes essuyées par la filière dans le cadre de la crise sanitaire, au-delà du plan envisagé par le Gouvernement. La FNSEA demande des aides immédiates à la trésorerie des exploitations horticoles, a minima à hauteur de 70% des pertes enregistrées durant le confinement, soit un niveau équivalent aux aides débloquées aux Pays-Bas. A noter que ces aides hollandaises, estimées à environ 600 millions d’euros, portent déjà leur fruit, puisque les producteurs français constatent un retour en force des vendeurs bataves dans les circuits de distribution nationaux. Face à cette situation inédite, le Gouvernement a proposé le 15 mai dernier trois types d’aide aux professionnels : des exonérations de cotisations patronales, un soutien à la promotion et une aide européenne à la destruction. Pour la FNSEA, il est urgent que ces aides soient très rapidement concrétisées et que les ambitions portant sur les exonérations de cotisations patronales soient réévaluées. En effet, la main-d’oeuvre représente en moyenne 30% des coûts en horticulture, l’exonération proposée n’enlèvera donc actuellement que 40% de ces 30%.
L’ASSURANCE RÉCOLTE EN DISCUSSION AU SÉNAT : UN DÉBAT MAJEUR POUR L’AGRICULTURE FRANÇAISE
Le Sénat débattra ce jeudi 28 mai d’une proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte. Constatant les aléas climatiques toujours plus nombreux auxquels font face les agriculteurs et les limites du système assurantiel actuel (Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), calamités, contrat socle des assureurs), ce texte invite le Gouvernement à prendre des mesures visant à améliorer le dispositif assurantiel actuel. Ce projet de résolution fait en partie écho aux propositions formulées par la FNSEA au ministère de l’Agriculture dans le cadre de la concertation sur la gestion des risques. Plusieurs propositions ont été retenues dans cette proposition de résolution pour demander une véritable politique de prévention, améliorer l’articulation entre outils (assurance, calamités), simplifier les contrats, mettre en œuvre le règlement omnibus et la sécurisation budgétaire pour le financement public, allonger la période de la moyenne olympique et respecter le calendrier du versement des aides. Dans la perspective de ce débat, fortement attendu par la profession agricole, vous trouverez (lien ci-contre) la contribution de la FNSEA et celle du CAF (Conseil de l’Agriculture Française).
RETOUR DES SAISONNIERS AGRICOLES ÉTRANGERS, POUR QUELLE RAISON ET A QUELLES CONDITIONS ?
Publiée, le 25 mai 2020, une instruction du Premier Ministre autorise, sous conditions, le retour des saisonniers agricoles étrangers sur le sol français. Une mesure particulièrement attendue par les agriculteurs qui commencent leurs récoltes, notamment dans les vergers du Sud de la France. Malgré toutes les initiatives mises en place par la filière agricole et les pouvoirs publics pour mobiliser la main-d’œuvre locale, la spécificité des travaux agricoles qui exigent, pour de nombreux postes, des compétences techniques et physiques particulières, ont poussé les producteurs français à solliciter le retour des travailleurs spécialisés étrangers. Pour être admis à entrer en France, ces travailleurs saisonniers agricoles doivent être munis d’une attestation de déplacement et d’une déclaration préalable à l’embauche ou d’un contrat de travail en droit français. L’employeur est tenu d’informer et de protéger les salariés, dans le plus strict respect des mesures sanitaires. Environ 100 000 saisonniers étrangers, sur les 300 000 embauchés chaque année, sont attendus dans les prochains mois. Pour rappel et pour répondre aux diverses polémiques sur le sujet, ces travailleurs étrangers travaillent dans les mêmes conditions que les travailleurs saisonniers nationaux (salaire, durée du travail, application des conventions collectives).
PROTECTION DES VIGNOBLES DE L’AUDE ET DE L’HÉRAULT : UNE DÉCISION DE L’ÉTAT PRAGMATIQUE
De très fortes précipitations ont touché les départements de l’Aude et de l’Hérault fin avril, début mai. Cette situation exceptionnelle a conduit à un développement rapide du mildiou et du black-rot mettant en péril la récolte 2020 et nécessitant un traitement urgent dans un contexte rendant inopérants ou dangereux les moyens de traitement terrestres de certaines parcelles (impraticables) du vignoble. Les viticulteurs locaux, appuyés par leurs Chambres d’Agriculture et la FNSEA, ont sollicité auprès des ministères une dérogation à l’interdiction de traitement aérien, dans le plein respect des conditions fixées dans la directive européenne sur l’utilisation durable des pesticides et du code rural. Les ministères de l’Agriculture, de la Transition Écologique et Solidaire et de la Santé ont accordé la dérogation sur une durée limitée (jusqu’au 5 juin) et dans des conditions sécurisantes pour les habitants et l’environnement. Des distances de sécurité de 100 mètres minimum sont notamment fixées pour les habitations, les parcs publics, les bâtiments et les parcs où des animaux sont présents, les points d’eau consommable par l’homme, le littoral et les lacs et étangs.
UE : STRATÉGIES « FARM TO FORK » ET « BIODIVERSITÉ », EN DÉCALAGE AVEC LE DYNAMISME ECONOMIQUE ET LA DURABILITÉ ENVIRONNEMENTALE SOUHAITÉS PAR LE SECTEUR AGRICOLE
Les orientations récemment adoptées par la Commission dans les stratégies « De la fourche à la fourchette » et « Biodiversité », conduiront l’agriculture européenne « dans une impasse » selon la FNSEA. Les enjeux de souveraineté alimentaire de l’UE et l’impérieuse nécessité de conserver une activité de production sur le sol européen imposent une vision de croissance durable. La FNSEA regrette « la voie de décroissance » proposée par la Commission avec un impact environnemental incertain qui conduira à une augmentation des importations de l’alimentation des européens. Importations cumulant, d’ailleurs très souvent, l’usage de produits phytosanitaires interdits dans l’UE ou la déforestation, et engendrant une délégation de notre alimentation à des pays tiers. Alors que toutes les agricultures du monde seront nécessaires pour nourrir l’humanité en 2050, la FNSEA dénonce particulièrement la mise sous cloche de 10% de la SAU (Surface Agricole Utile) en « surfaces paysagères diversifiées ». Les premières estimations, basées sur des travaux réalistes des instituts techniques, font état d’une réduction d’un tiers de la production en grandes cultures. Face à ces propositions décalées, la FNSEA appelle de ses vœux un Pacte vert, qui défend une triple performance, économique, sociale et environnementale, et s’appuie sur un plan de relance financé à la hauteur de l’enjeu pour renforcer la souveraineté alimentaire européenne. Elle appelle à une véritable stratégie de transition environnementale et climatique, qui favorise les investissements innovants avec le soutien d’une PAC rénovée définissant des orientations européennes fortes et un cadre commun d’exigences et de droits entre les Etats membres.
Cette semaine, focus particulier sur les filières : légumes d’industrie, fruits et légumes, agneaux et agrotourisme.
LÉGUMES D’INDUSTRIE
État général de la production : La récolte de pois devrait commencer d’ici la fin du mois de mai dans le Sud-Ouest.
Contexte de marché : L’impact se fait ressentir au niveau industriel : Augmentation des achats par les particuliers avec des usines qui ont augmenté les cadences de conditionnement et de livraison ;La RHF est un débouché important en surgelés, avec une forte baisse suite à la fermeture des restaurations scolaires, d’entreprises commerciales ; mais la restauration sanitaire, sociale et captive a continué de fonctionner. Avec le déconfinement, la reprise est très timide : si les écoles rouvrent, certaines ne proposent pas le déjeuner, la restauration en entreprise a très peu repris. De plus, pour une partie des établissements, le stock est important dû à une fermeture brutale, les congélateurs sont remplis et ces produits sont distribués en priorité.
Risques identifiés : Inquiétudes sur la disponibilité de main-d’œuvre qualifiée pour les chantiers de récolte et les usines mais aussi, et plus particulièrement dans le Sud-Ouest, importantes difficultés pour trouver des hébergements afin d’accueillir les saisonniers (équipes de récolte) dans des conditions permettant de garantir les règles sanitaires. Difficultés pour la maintenance (machinisme agricole et équipements industriels) qui peut avoir des conséquences importantes en pleine récolte, avec des abandons.
FRUITS ET LÉGUMES
État général de la production :
Cerise : les températures froides de fin mars-début avril n’ont pas favorisé un développement normal, il y a eu un déficit hydrique dans plusieurs régions et les vergers de cerises ne sont pas tous irrigués, d’où des petits calibres cette année Les gros calibres vont arriver sur les chairs fermes. Dans d’autres régions, les pluies importantes du début du mois ont fragilisé les fruits entraînant parfois leur éclatement. Quelques interrogations par rapport au ravageur (Drosophila suzukii) qui menace les vergers, avec mise en place de pièges/traitements ainsi qu’un tri supplémentaire qui entraînent des coûts de production supplémentaires pour amener un produit sain jusqu’au étals.
Abricots : toutes les régions vont arriver en production en même temps, mêmes variétés cueillies au même moment. A partir de début juin, il y aura la possibilité d’approvisionner toutes les enseignes. Le gel de la fin mars a entraîné une perte de volumes de l’ordre de 30% en France. Des pertes sont également constatées dans les autres pays producteurs.
Contexte de marché : après les fraises et les asperges fin mars – début avril, les tomates petits fruits sont déclarés en situation de crise conjoncturelle par FranceAgrimer depuis le 20 mai. En tomates cerises et cocktail, les banques alimentaires sont saturées et les producteurs français sont contraints de jeter (globalement 30%) et vendent à des prix très bas. Nécessité de basculer d’urgence les références d’importation en Origine France, mais aussi de diminuer les marges en aval afin de réajuster les prix en rayon et permettre un écoulement correct des productions. Quant aux débouchés RHF (restauration hors foyer), la reprise est très timide : si les écoles rouvrent, certaines ne proposent pas le déjeuner, la restauration en entreprise a très peu repris.
Risques identifiés : difficultés concernant le logement des salariés temporaires et saisonniers pour la campagne (chantiers de récolte, centre de réception). Des problèmes de logistiques aggravés avec la crise sanitaire. Une grosse demande de produits préemballés mais une difficulté pour certains opérateurs à s’approvisionner en emballage. Depuis le déconfinement, les marchés sont par principe ouverts, mais ils peuvent être fermés par arrêté du préfet, si le maire estime ne pas pouvoir assurer les mesures sanitaires. La situation n’est toujours pas optimale et très hétérogène d’une commune à l’autre et selon les marchés : pas de place pour tous les producteurs/commerçants ou rotation mise en place du fait des mesures sanitaires, gestion des stocks et des salariés compliqués.
AGNEAUX
État général de la production : les prix moyens de l’agneau en semaine 19 perdent 3 centimes, à 6,47 €. Le prix reste toutefois supérieur à celui des années précédentes la même semaine, traduisant une demande supérieure à l’offre française grâce à la poursuite de la préférence nationale en vigueur chez la plupart des détaillants. Les abattages en semaine 19 sont inférieurs de 15% à ceux de la même semaine en 2019 en raison des faibles disponibilités d’agneaux français par rapport à la demande.
Contexte de marché : les fêtes religieuses Pâques juive et chrétienne, Ramadan musulman représentent près de 50 % de la consommation annuelle. A l’approche de Pâques, l’agneau s’était mieux vendu que les semaines précédentes : la campagne de communication et la mobilisation des acteurs ont porté leurs fruits. Même s’il a été déploré le fait que certaines enseignes ont profité de la campagne faite pour l’agneau français pour mettre en avant de l’agneau Néo-Zélandais. Sa promotion a eu l’effet escompté : la demande des consommateurs a été très importante, conduisant même à quelques ruptures d’approvisionnement suite à des commandes tardives. La crise du Covid-19 a abouti cependant à une baisse importante du prix payé au producteur (45 cts / kg en moyenne).
Risques identifiés : la filière a demandé l’aide au stockage privé (400 000 agneaux prêts à être commercialisables entre mi-avril et mi-juin), ainsi qu’une flexibilité dans le cadre des aides couplées. Un assouplissement a été obtenu pour les viandes ovines et caprines dans le cadre des aides au stockage privé. Le cahier des charges de FranceAgriMer précisant les conditions de mise en œuvre de ces aides donne la possibilité de rendre éligibles aux aides, les pièces désossées. Cela ouvre donc des possibilités pour les opérateurs mais à la condition de congeler l’ensemble des pièces constituant une même carcasse. La FNO (fédération nationale ovine) souhaite enfin la sortie de l’agneau Néo-Zélandais du marché français jusqu’à la sortie de la crise, et demande la suspension des négociations commerciales entre l’UE et l’Australie/ Nouvelle-Zélande, malgré les réticences des autorités européennes.
AGRO-TOURISME
Contexte : le Réseau Bienvenue à la ferme (APCA) a réalisé une enquête entre le 21 avril et le 15 mai 2020 auprès de ses adhérents de l’agritourisme (gîtes et chambres d’hôtes, fermes-auberges, fermes équestres, fermes pédagogiques, fermes de dégustation et campings). Un tiers des répondants estiment avoir perdu 5 000 euros de chiffre d’affaires par mois. Cette proportion monte à plus de 50 % pour les fermes équestres, les fermes-auberges et de dégustation, dont certaines atteignent les 20 000 euros de pertes. Côté emploi, 40 % des fermes sont impactées : un quart devra supprimer un emploi et 20 % sont concernées par la mise en chômage partiel. Un tiers de ces fermes n’ont pas eu accès aux aides liées à la crise alors que 21 % ont eu accès plusieurs aides simultanées. La règle de 50 % de perte de chiffre d’affaires explique en partie ces exclusions, les activités liés au tourisme étant pour la plupart secondaires dans les exploitations agricoles.
Risques identifiés et demandes : la profession agricole qui développe des activités liées au tourisme demandent à inclure un volet spécifique « agrotourisme » dans le plan de relance « tourisme » afin de corriger les pertes économiques engendrées par la crise du Covid-19 et prendre en compte les spécificités, très particulières, de ces activités.