N°12 – Semaine du 8 juin 2020
PLFR 2020 « III » : DES PISTES INTÉRESSANTES, MAIS À AMÉLIORER POUR RÉPONDRE À L’URGENCE DU MONDE AGRICOLE
Le troisième projet de loi de finances rectificative, présenté ce mercredi 10 juin 2020 en Conseil des Ministres, organise, entre autres, le soutien aux entreprises pour lesquelles la reprise d’activité demeurera durablement compromise. La FNSEA se félicite de la possibilité pour certaines filières agricoles sinistrées par la crise du Covid-19 (horticulture, viticulture, volailles, pommes de terre, centres équestres, cidriculture…) d’entrevoir le bénéfice d’exonération de cotisations patronales, d’aide au paiement des cotisations et de plans d’apurement (article 18). Néanmoins, force est de constater que les conditions retenues par le Gouvernement ne permettront pas à une grande majorité d’exploitations touchées par la crise de bénéficier de la totalité de ces aides. Tout d’abord, le seuil pour bénéficier de l’exonérations des cotisations et contributions sociales ne sera possible qu’en justifiant une perte de 80% du chiffre d’affaires (selon nos informations), exonération réduite proportionnellement à 30 % et 50 % pour les entreprises ayant perdu entre 50% et 80% de leur chiffre d’affaires. Avec une perte moyenne estimée pour les secteurs agricoles les plus touchés entre 60 et 70% du chiffre d’affaires, la FNSEA craint que ce pourcentage de perte fixé à 80% soit trop élevé et ne pourra être atteint sur de nombreuses productions néanmoins irrémédiablement impactées. Aussi, elle demande l’accès à la totalité de cette exonération pour toutes les entreprises agricoles ayant perdu plus de 60% de leur chiffre d’affaires depuis le 15 mars. De plus, le projet de loi prévoit également une mesure exceptionnelle d’exonération de cotisations et contributions personnelles de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants agricoles, qui prendra la forme d’un montant forfaitaire d’exonération des cotisations et contributions dues au titre de l’année 2020. Même si l’intention est louable, ce dispositif ne prévoit malheureusement pas d’adaptation spécifique à l’agriculture et sera subordonné à la condition de perte de chiffre d’affaires de 80%. Tel est notamment le cas de certaines entreprises, par exemple horticoles, qui réalisent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires annuel sur les mois de mars, avril et mai mais ne chutent pas pour autant de 80 % par rapport à la période identique de 2019 : il y a là une injustice à corriger. Cette mesure ne tient également pas compte du fait que les agriculteurs cotisent sur une assiette N-1 ou sur une assiette triennale N-1, N-2 et N-3 (la mesure se base en effet sur les seuls revenus de 2019). Pour pallier ces manques, la FNSEA propose que ceux qui ont perdu une bonne partie de leur chiffre d’affaires puissent ne plus faire référence à leurs revenus antérieurs qui ne représentent plus leur réalité pour plusieurs années et soient traités comme de nouveaux installés : en 2020 ils cotiseront sur leur revenu 2020, comme tout agriculteur débutant son activité. Une telle approche a déjà été retenue en cas de sécheresse importante ou d’abattage de troupeaux. La FNSEA continuera à porter dans ces prochaines semaines ses propositions, indispensables au rebond de nombreuses filières agricoles.
SÉCHERESSE 2020 : ORGANISER DÈS À PRÉSENT LA LOGISTIQUE DU FOURRAGE
Ce début d’année est d’ores et déjà marqué par un nouvel épisode de sécheresse qui touche de façon dramatique et récurrente de nombreuses régions (au total 53 départements sont actuellement classés en risque sécheresse selon le MTES, principalement en Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne Franche-Comté, Grand-Est, Centre-Val-de-Loire et Nouvelle-Aquitaine). A ce titre, certains départements, compte tenu de l’absence de stock de fourrage pour les ruminants, ont déjà amorcé la mise en place d’opérations de solidarité. C’est la raison pour laquelle la FNSEA a sollicité la ministre de la Transition Écologique et Solidaire afin de réactiver urgemment la cellule de coordination logistique « sécheresse » pilotée par la Direction générale des infrastructures et des transports. L’urgence est désormais de pouvoir organiser l’approvisionnement de fourrage afin de nourrir les animaux à des coûts supportables. Cette mobilisation vise donc à faciliter et à fluidifier les opérations collectives de transport des marchandises, paille et fourrage, indispensables à la survie de nos éleveurs.
ATTAQUES DE LOUPS : L’APPEL DES ÉLEVEURS POUR SAUVER LE PASTORALISME
Après la réunion du Groupe national loup qui s’est tenu à Lyon le 8 juin dernier, le Conseil de l’agriculture française (CAF) entend « défendre les éleveurs contre la prédation pour qu’ils puissent exercer sereinement leur activité ». Il s’inquiète notamment de la croissance démographique chez ce prédateur qui est passé de 530 individus à 580 au dernier comptage et ne cesse de s’étendre sur le territoire et d’attaquer toujours plus d’animaux. Le CAF regrette que malgré quelques avancées récentes : relèvement des niveaux de prélèvements (17% +2% au lieu de 10% +2% de la population de loups), et la simplification des démarches administratives, les attaques de troupeaux se succèdent inexorablement (plus de 12 000 animaux tués en 2019) et ce malgré les mesures de protection mises en place par les éleveurs (clôtures, bergers, chiens patous…). Face à une cohabitation devenue impossible et qui pousse de nombreux éleveurs à cesser leur activité pastorale, le CAF porte auprès des pouvoirs publics le droit de défendre les troupeaux, toute l’année, sur tous les territoires et en toute sécurité, y compris dans les parcs nationaux et les réserves naturelles. Cette défense passe par une réévaluation des plafonds de prélèvement, le soutien des lieutenants de louveterie sans aucune restriction contraire à la réglementation et le droit, pour les éleveurs formés, d’avoir des armes dotées de lunettes à visée nocturne pour défendre efficacement leurs troupeaux en cas d’attaque. Le CAF « loup » précise que seuls la défense continue des troupeaux et le prélèvement ciblé de loups sont efficaces pour faire baisser le poids de la prédation. Il alerte les pouvoirs publics et la société civile sur les dangers réels qui menacent le pastoralisme et les aménités qu’il offre aux citoyens et invite les élus nationaux et des territoires à diligenter une mission d’information (parlementaire) sur l’avenir de ces écosystèmes.
AVENIR DES RELATIONS ENTRE L’UE 27 ET LE ROYAUME-UNI : POSITION DE LA FNSEA
Quarante-sept ans après son adhésion à l’Union européenne, le Royaume-Uni a quitté l’UE le 31 janvier 2020 et bénéficie actuellement d’une période de transition jusqu’au 31 décembre, maintenant sa participation au marché intérieur et l’union douanière. L’UE et le Royaume-Uni tentent de négocier un partenariat ambitieux et équitable pour l’avenir. Mais après 4 cycles de négociation, aucune avancée sur les points majeurs de la négociation n’a été actée, comme la concurrence équitable (aides d’état, normes…) ou la gouvernance du partenariat. Pour la FNSEA, il n’existe pas de situation intermédiaire acceptable : soit le Royaume-Uni demeure dans le marché unique et le tarif douanier commun, soit il faut appliquer toutes les règles de l’OMC avec des contingents fixés sur les flux actuels, une clause de « net exportateur » (il s’agit d’autoriser les exportations que des excédents entre production nationale et consommation nationale), une clause de sauvegarde agricole et en dehors de ces contingents, des droits de douanes OMC. Même si un retour aux règles de l’OMC serait très dommageable pour le secteur agricole, l’absence d’accord est préférable à un mauvais accord, qui transformerait le Royaume-Uni en « Singapour-sur-Tamise ». La poursuite de la période de transition semble indispensable pour permettre l’aboutissement des négociations dans le cadre du mandat adopté dans la déclaration politique d’octobre 2019. Au vu des positions qui paraissent inconciliables, l’UE doit prévoir dès aujourd’hui dans le cadre financier pluriannuel, un fonds spécifique (hors PAC) pour gérer un « hard Brexit ». De plus, les pouvoirs publics doivent non seulement organiser la mise en place effective de l’ensemble des règles OMC pour les futures relations commerciales au 1er janvier 2021 (inspection vétérinaire et sanitaire à Calais et dans les ports maritimes, procédures douanières etc), mais aussi renforcer la campagne d’information et de préparation des secteurs privés au nouveau contexte de « hard Brexit », possible au 1er janvier 2021.
Cette semaine, un focus particulier a été souhaité sur l’état des stocks agricoles suite à la crise du Covid-19.
DE NOMBREUX STOCKS A ÉCOULER DANS LE CADRE DE LA REPRISE DE LA RESTAURATION
Le secteur de la restauration, sévèrement touché par la crise, fait encore l’objet d’incertitudes quant à l’effectivité de la reprise étant donné le protocole sanitaire en place, ce qui a nécessairement un impact économique sur les entreprises de la restauration, mais aussi sur toute la chaîne d’approvisionnement en amont jusqu’aux agriculteurs. Même limitée, il est primordial que cette reprise s’effectue sur une dynamique forte en faveur des produits français par rapport aux produits importés. Durant le confinement et en raison de la fermeture d’un grand nombre de débouchés, les producteurs ont été contraints de stocker et de congeler une grande partie de leur production. Pour écouler le plus rapidement ces stocks, FNSEA et Jeunes Agriculteurs (dans un communiqué commun) militent pour privilégier, en priorité et selon la demande des restaurateurs, ces productions nationales.
Les filières faisant l’objet d’une attention particulière en cette phase de déstockage qui doit s’étendre jusqu’à l’automne sont notamment :
• la filière volailles et palmipèdes qui dispose d’un stock avoisinant les 45 000 tonnes à fin juin (pigeons, filets de poulet, suprême de pintade, filets et cuisses de canard à rôtir, confits de canard…) ;
• les bassins de production caprine disposent de 500 tonnes de chevreaux entiers ;
• la filière veau fait face à un surplus en exploitation estimé à environ 25 000 / 30 000 têtes ;
• la filière cidricole a stocké 200 000 hectolitres de cidre et 100 000 tonnes de pommes à cidre ;
• la filière viticole dispose d’environ 5 millions d’hectolitres en surplus, dont 2 millions au minimum sont déjà financés pour de la distillation ;
• la filière pommes de terre fait face à 450 000 tonnes de stocks ;
• la filière fromages, ou les AOP/IGP/Lait cru est particulièrement touchée et cumule 1000 tonnes de stocks.