N°26 – Semaine du 14 décembre 2020
TRIBUNE LE MONDE : « LA CRISE MET EN ÉVIDENCE L’IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ DE REDONNER DE LA DIGNITÉ À L’ACTE ALIMENTAIRE »
Face à la précarité grandissante de 8 millions de Français qui ont franchi les portes de l’aide alimentaire cette année (contre 3,5 millions en 2014), la Présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Christiane Lambert, dans une tribune publiée dans Le Monde le 16 décembre dernier, appelle l’Etat à réfléchir à la mise en place d’un système de bons alimentaires sur une sélection de produits sûrs, nutritifs, de haute qualité et à des prix abordables pour les Français précaires. Ce système qui a déjà fait ses preuves Outre-Atlantique permettrait de redonner de la dignité à l’acte alimentaire tout en favorisant un approvisionnement alimentaire de qualité sur le plan nutritif (produits frais, produits bruts…) pour nos compatriotes les plus en difficulté. Retrouver la tribune ICI.
LA FNSEA REJOINT L’INITIATIVE « 4 POUR 1000 »
Lancée lors de la COP 21 de 2015 par la France, l’initiative internationale « 4 pour 1000 » vise à montrer que les agriculteurs, notamment par la gestion adaptée des sols agricoles, peuvent jouer un rôle crucial pour la sécurité alimentaire et le changement climatique. Un taux de croissance annuel de 0,4% des stocks de carbone du sol, ou 4‰ par an, dans les premiers 30 à 40 cm de sol, réduirait de manière significative dans l’atmosphère la concentration de CO2 liée aux activités humaines. C’est à l’occasion des 5 ans suivant la signature des Accords de Paris lors de la COP 21, que la FNSEA se réjouit de rejoindre les 488 partenaires (agriculteurs, scientifiques, ONG, fondations, secteur privé, organisations internationales…) pour développer la mise en place des actions concrètes sur le stockage du carbone dans les sols et des pratiques pour y parvenir (notamment par l’agriculture de conservation des sols). Partant du constat irréfutable que le changement climatique impactera en premier lieu les agriculteurs et l’économie agricole, la FNSEA veut montrer sa pleine mobilisation dans cet objectif dans la continuité des réflexions entamées dans son rapport d’orientation de 2020 consacré à l’agriculture face au changement climatique.
PLAN POLLINISATEURS : LA FNSEA EN APPELLE AU PREMIER MINISTRE
Alors que le ministère de la Transition écologique s’apprête à publier un nouvel arrêté « Abeilles » qui pourrait très fortement restreindre les capacités de traitement des cultures agricoles, la FNSEA en appelle au Premier ministre, Jean Castex, pour « retrouver la voie du dialogue ». Le syndicat agricole qui avait apporté, en octobre dernier, avec ses associations spécialisées de producteurs, plusieurs propositions concrètes sur l’amélioration des pratiques, sur l’implantation de cultures mellifères, etc., reproche au gouvernement « d’avancer à marche forcée, en l’absence de réelle concertation ». Pour la FNSEA, le projet d’arrêté est « réduit à sa plus simple expression » et risque, une nouvelle fois, comme ce fut le cas avec les betteraves sucrières et les néonicotinoïdes, de créer « de nouvelles distorsions de concurrence pour les agriculteurs français qui n’auront plus accès à certains produits de traitement, alors même que nos voisins européens continueront à les utiliser ». Ce texte « conduira à des reculs voire des abandons de certaines productions en France, notamment les plus mellifères » et la France « va prendre la voie de la réduction de sa propre production au profit des importations », avertit la FNSEA qui a demandé un rendez-vous urgent au Premier ministre.
BAROMÈTRE OPINION IFOP/FNSEA : DIFFICULTÉS ET PESSIMISME POUR LA PROFESSION AGRICOLE
En partenariat avec l’IFOP, la FNSEA rend compte de l’opinion des agriculteurs dans son baromètre d’opinion biannuel, réalisé pour celui d’automne entre le 23 octobre et le 6 novembre 2020. Le baromètre révèle une dégradation de la situation économique des exploitations, puisque 1 agriculteur sur 3 l’évalue comme mauvaise, soit 5 points de plus qu’un mars dernier. À titre personnel également, ils sont 39% à déclarer avoir rencontré des difficultés importantes au cours du trimestre, soit 6 points. Preuve de la persistance de ces difficultés, 12% des répondants disent envisager une cessation d’activité. Dans ce contexte économique difficile et de dégradation, leur vision de l’avenir à court et moyen terme est donc pessimiste pour le secteur, mais aussi pour leurs exploitations. Ainsi, 1 agriculteur sur 3 pensent que sa situation financière va se détériorer au cours des trois prochains mois et 4 agriculteurs sur 10 anticipent une aggravation de leur situation au cours des 2 à 3 prochaines années. Retrouvez la totalité de l’étudie IFOP/FNSEA, ICI.
NÉGOCIATIONS COMMERCIALES : STOPPER LE RETOUR DÉFLATIONNISTE
Alors que le Comité de suivi des relations commerciales doit prochainement se réunir, la FNSEA avertit : « une déflation des produits alimentaires n’est plus acceptable ». En effet, la profession agricole veut « mettre en garde les acteurs de la chaîne alimentaire » sur cette guerre des prix qui semble faire son retour depuis quelques semaines. Les enseignes de la grande distribution demandent des baisses de prix de l’ordre de 2% à 4% quand les agriculteurs font face à des hausses de leur coûts de production. Ils doivent « être en capacité de répercuter cette hausse via leurs acheteurs et les transformateurs : des hausses structurelles liées aux exigences toujours plus grandes de l’aval (environnement, bien-être animal, réduction des produits phytosanitaires…), des hausses conjoncturelles comme actuellement le coût de l’alimentation animale qui flambe au moins depuis septembre », explique la FNSEA. Pour elle, « l’agriculteur ne peut plus être la variable d’ajustement ». Le syndicat agricole ne manque pas de souligner que « les confinements successifs ont fait la part belle à la grande distribution » (ventes en hausse de 6,2% entre février et mai 2020 selon l’INSEE) ». La FNSEA en appelle « à la responsabilité des différents maillons pour permettre la construction du prix en marche avant, conçue dans la loi EGAlim » exhortant à « stopper les déflations ».
BREXIT : 5 REQUÊTES URGENTES POUR LES RELATIONS COMMERCIALES UE-ROYAUME-UNI
Alors que le « no deal » semble se profiler, les agriculteurs et les coopératives agricoles d’Europe, les fabricants de produits alimentaires, les commerçants et les travailleurs du secteur agroalimentaire ont publié le 10 décembre une déclaration conjointe. Ces différentes organisations, dont le COPA dont Christiane Lambert (FNSEA) est la Présidente, rappellent que leur priorité est de préserver l’emploi et de permettre au secteur agroalimentaire de prospérer. Ils exhortent les négociateurs à conclure un accord commercial global, sans droits de douane ni contingents, avec une grande harmonisation des règles, y compris en matière de règles sanitaires et phytosanitaires et d’obstacles techniques au commerce. Ils annoncent alors cinq requêtes urgentes quelle que soit l’issue des négociations. D’abord, il y aura un besoin d’éclaircissements immédiats concernant les futures règles commerciales décidées entre l’UE et le Royaume-Uni. Ensuite, des mesures spécifiques devront être mises en place pour garantir une transition douce pour le secteur agroalimentaire qui sera probablement le plus durement touché. Également, il conviendra d’organiser des campagnes d’information efficaces afin d’aider les entreprises à comprendre les nouvelles règles et à planifier leurs opérations. Aussi, il faudra protéger les droits des travailleurs et proposer des aides nécessaires pour les entreprises. Enfin, il sera primordial de garantir un dialogue constant avec la Commission européenne et les autorités britanniques, afin de pouvoir réagir rapidement aux potentielles perturbations et crises qui pourraient faire surface après le 31 décembre 2020.
CHINE : UNE INSTALLATION GÉANTE DE… 84 000 TRUIES
Si la taille moyenne des exploitations porcines en France s’élève à 190 truies (le plus faible d’Europe), le géant chinois du porc Muyuan Foods construit actuellement, dans la province du Henan, 21 porcheries à étages multiples, pour un total de 84 000 truies. Son objectif de production : 2,1 millions de porcelets par an. Le coût de ce parc de production industrielle est indiqué à 380 M€ et devrait devenir la plus grande des 55 installations que cette entreprise veut construire dans les douze mois à venir. Avec l’extension de ses propres capacités d’abattage, l’entreprise va investir l’équivalent de 5 Md€ dans ces mêmes douze mois, et engager 50 000 nouveaux salariés. D’autres grands producteurs chinois de viandes de porcs, autre que Muyuan Foods, investissent également massivement. La production chinoise de viandes de porcs a énormément chuté à la suite de la propagation de la peste porcine africaine, et les prix de viande de porc à la consommation avaient atteint des niveaux records après la réduction de l’offre. Quelques installations géantes ont également été touchées par la peste porcine africaine, mais au total l’épizootie a conduit à une disparition accélérée des élevages dits « d’arrière-cour », très développés dans le passé. Un modèle d’élevage décidément bien lointain des pratiques françaises… qui devrait faire méditer un certain nombre de critiques sur la réalité de notre modèle agricole national.
Le baromètre hebdomadaire des productions agricoles et le fil rouge de l’actualité des filières nationales.
COMPTES DE L’AGRICULTURE : UNE ANNÉE À OUBLIER
L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié, le 16 décembre, les comptes nationaux prévisionnels de l’agriculture pour l’année 2020 ainsi que les résultats RICA (Réseau d’information comptable agricole) de l’année 2019. La production totale diminuerait de 2,1%. Le résultat net des agriculteurs chuterait de près de 12%. L’Insee pointe une « forte baisse du volume des céréales » : -26,4% pour le blé tendre, -23,5% pour l’orge et -17,1% pour le blé dur. La cause est connue : les conditions climatiques défavorables avec un hiver doux et pluvieux et un été sec avec de nombreux coups de chaleur. L’Insee confirme également la chute des betteraves industrielles (-24,8%) « sous l’effet des conditions climatiques (…) et du virus de la jaunisse ». Quelques cultures parviennent à limiter la casse comme les pommes de terre (+6%), les légumes (+2,2%) et les oléagineux (+1,9%). Les productions animales parviennent à maintenir leur niveau de 2019 (+0,4%) avec des résultats contrastés. L’Insee note un fléchissement pour les volailles (-1,7%) et un recul plus marqué pour les veaux. Il pointe une stabilité chez les gros bovins, légère augmentation chez les porcins (+0,8%), les ovins-caprins (+0,9%) et le lait (+1%) une hausse plus importante pour les œufs (+6,4%). La logique conséquence de cette année morose est un recul de la valeur ajoutée brute de la branche agricole (-5,4%) « du fait de la baisse de la production au prix de base (-2,0%) », précise la note de l’Insee. « En termes réels, elle se réduirait de 6,5%, après une baisse de 4,3% en 2019 ». Mais d’après les calculs de l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture (APCA), le résultat net de la branche agricole par actif non salarié serait ainsi de -11,8%. C’est la deuxième année de baisse que le secteur agricole connaît. Les chiffres 2019 affichaient aussi une baisse de 2% en raison du recul des productions végétales et viticoles. Commentant la publication de ces résultats, la FNSEA juge « primordial de donner aux agriculteurs les moyens d’être compétitifs pour relever le défi de la souveraineté alimentaire sur le long terme ». « Pas de souveraineté alimentaire sans revenus pour les agriculteurs ! », martèle le syndicat agricole qui appelle « à une accélération du mouvement de remise en compétitivité de l’agriculture française », notamment à travers le plan de relance et la baisse des charges. « Il faut donner des perspectives aux nouvelles générations qui viennent de s’installer ou qui envisagent de rejoindre le secteur agricole », conclut la FNSEA.
VIANDE BOVINE : CRISE POUR LE BROUTARD
La Fédération nationale bovine (FNB), a publié le 11 décembre un communiqué, dans lequel elle dénonce un déséquilibre du marché au sein même de l’Union européenne concernant le broutard. Le broutard (du verbe brouter) est un jeune bovin de race à viande, qui se nourrit de lait maternel et d’herbe dans les pâturages jusqu’à son sevrage. La FNB et la FNSEA s’inquiètent alors, car depuis la mi-juillet, « le prix du broutard a perdu 42 centimes, ce qui représente environ 150 euros par broutard ». Ceci représente une perte de 30% de leur revenu annuel, qui était déjà extrêmement bas. Principalement destiné au marché italien, assez dynamique, « le jeune bovin (JB) français est vendu à un prix situé un euro du kilogramme en dessous du coût de production des éleveurs, soit un manque à gagner de 450 euros par animal » alerte la FNB. C’est dans ce contexte difficile que la FNB encourage les éleveurs à reprendre la main sur la commercialisation de leurs animaux, « en contournant ainsi les opérateurs qui n’ont pas encore pris conscience que sans producteurs, ils étaient, eux aussi, destinés à disparaître».
MARCHÉS MONDIAL DES CÉRÉALES : DE BELLES PERSPECTIVES
Si les marchés financiers et pétroliers commencent à voir la fin de la crise de la Covid-19, en France, cette crise n’en finit pas. Les bars et les restaurants étant fermés, moins de bières seront consommées et donc moins de malt sera produit (250 000 t. -24 000 t par rapport à 2018-2019, avant la crise sanitaire). Dans le même temps, la production d’amidon (2,65 Mt) fléchira de 80 000 t selon FranceAgriMer (FAM). Cependant, autant de céréales que l’an passé (1,6 Mt de blé, 550 000 t de maïs) seront distillées en bioéthanol puisque les marchés pétroliers sont plus dynamiques. Les Français confinés consommant plus de viande, les filières animales retrouvent de la vigueur : 150 000 t de blé, d’orges et de maïs en plus que prévu le mois passé seront transformées en aliments (9,1 Mt au total), selon FAM.
Dans le monde, 2 220 Mt de blé, d’orges et de maïs seront consommées (+18 Mt sur un an). La demande mondiale de blé est estimée à 716 Mt (+5 Mt). Les productions record de blé, d’orges, de maïs (2 219 Mt) n’empêcheront pas des stocks de report en fin de campagne d’être inférieurs à 2 Mt, à leur niveau de l’an passé. Les principaux pays producteurs exportateurs de blé de la planète (G8) achèveraient la campagne avec 61 Mt (-11 Mt par rapport à la moyenne quinquennale). Aussi, les bonnes récoltes de blé 2020 en Russie (83 Mt), au Canada (35 Mt) et en Australie (29 Mt) ne sont déjà, plus que des bons souvenirs. Au cours des six prochains mois, ces trois pays compenseront les faibles productions argentines (17 Mt) et de l’Union européenne. Mais pas au-delà. En Russie, l’état des cultures d’hiver et sur une grande partie de l’Europe centrale inquiète. Entre la mer Noire et la mer Caspienne, le déficit hydrique est très important. Le blé pourrait ne pas résister aux températures hivernales. En Argentine, la décision du gouvernement d’obliger les céréaliers à convertir leurs recettes d’exportations (en dollars) en pesos, pourrait tenter ces derniers à conserver leurs grains plutôt que de les vendre. Ce qui raréfiera d’autant l’offre. Dans ce contexte, les opérateurs français gèrent au mieux leur petite campagne d’exportation de céréales. Mais les prix de vente sont plus élevés qu’escomptés il y a six mois : même si le cours du blé s’est replié ces derniers jours, il demeure bien supérieur à 200 € la tonne. Au terme des quatre premiers mois de campagne, la France a vendu à ses voisins européens, 1,94 Mt de blé (contre 2,62 Mt en 2019/2020), 0,83 Mt d’orges (1,21 Mt) et 1,66 Mt de maïs (1,26 Mt en 2019/20). Vers les pays tiers, les ventes de blé portent au cours des cinq premiers mois de campagne sur 3,03 Mt de blé (3,98 Mt en 2019/2020) et sur 1,34 Mt d’orges (1,72 Mt). Selon FAM, 100 000 t de blé de plus que prévu le mois passé pourraient être exportées d’ici fin juin vers les pays tiers (6,95 Mt) mais 150 000 t en moins seraient vendues vers l’UE (6,2 Mt), où la concurrence est vive. Cependant, le maïs français très compétitif s’exportera très bien (4,6 Mt, +430 000 t sur an). En se basant sur les superficies emblavées, le potentiel de production français est plus élevé que l’an passé. Selon une enquête réalisée auprès d’experts par FAM, 4,73 Mha de blé (+12% sur un an), 1,26 Mha d’orges (+7%) et 240 000 ha de blé dur (+9%) ont été semés avec des conditions de cultures bonnes à très bonnes jusqu’à 98 % pour le blé.