N°7 – Semaine du 4 mai 2020
Dans le contexte inédit de l’épidémie de Covid-19, la question de la sécurité et de l’approvisionnement alimentaire revêt une préoccupation importante pour les Français et sollicite la réponse adaptée des pouvoirs publics. Dans sa volonté de poursuivre le dialogue avec ses interlocuteurs institutionnels, la FNSEA a souhaité mettre en place une lettre d’information, « Le Fil Agricole », vous permettant d’être tenu informé(e), de manière hebdomadaire, des enjeux de la production et de la distribution des produits agricoles. Dans l’espoir que cette publication puisse retenir votre attention et à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires.
VINCI AUTOROUTES & FNSEA : DES PANIERS DE PRODUITS FRAIS ET LOCAUX DISTRIBUÉS AUX CHAUFFEURS ROUTIERS
La FNSEA et la société Vinci Autoroutes ont pris l’initiative commune d’offrir aux chauffeurs routiers des paniers de produits frais locaux, remplis, selon les régions, de fruits et légumes ou de fromages. C’est ainsi que des points de distribution installés sur des aires d’autoroute à proximité de Toulouse, Bourges, Tours, Angers et Paris (Saint-Arnoult), ont permis aux agriculteurs de distribuer plus de 1000 paniers solidaires de légumes et de fromages AOP. Cette opération, démarrée le 29 avril, se poursuivra jusqu’au jeudi 7 mai. Pour rappel, la FNSEA et Vinci Autoroutes sont liés par un partenariat, signé lors du dernier Salon de l’agriculture, dont l’objectif est de déployer des actions conjointes contribuant à un développement économique durable et responsable dans les territoires.
REBÂTIR NOTRE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE : L’APPEL DES ORGANISATIONS AGRICOLES
« Nous sommes prêts à relever un défi à la fois démographique, économique et environnemental », c’est sur ces mots que les 7 organisations membres du Conseil de l’Agriculture Française (CAF regroupant FNSEA – Jeunes Agriculteurs – APCA – Coopération agricole – Confédération nationale de la mutualité, la coopération et du crédit agricoles (CNMCCA)) proposent, dans une tribune publiée le 5 mai, de sceller avec les Français un « pacte de confiance », afin de rebâtir, dans une démarche solidaire, notre souveraineté alimentaire. Un manifeste accompagne cet appel qui engage la profession agricole à contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique par le stockage du carbone, le développement de la biodiversité, l’utilisation raisonnée des intrants, la relocalisation de certaines productions et le développement de circuits de distribution plus courts. En contrepartie, les organisations agricoles attendent des pouvoirs publics et des Français qu’ils permettent aux agriculteurs de vivre dignement de la vente de leurs productions en investissant dans les outils de production, en refondant une politique résolument pro-compétitivité, en assurant la transparence sur l’origine des produits et en sensibilisant les consommateurs sur le juste prix de l’alimentation. Au niveau européen, les organisations du CAF demandent à retrouver les vertus d’une régulation adaptée et d’un budget européen calibré à l’ambition d’une souveraineté alimentaire retrouvée.
COMMANDE PUBLIQUE : IL EST URGENT DE PRIVILÉGIER L’ORIGINE FRANCE EN PRÉVISION DE LA RÉOUVERTURE DE LA RESTAURATION COLLECTIVE
A quelques jours de l’ouverture des cantines scolaires et de certains établissements de la restauration collective, la FNSEA et Jeunes Agriculteurs (JA) appellent les responsables de la commande publique à privilégier les productions françaises. Ce débouché supplémentaire pour les productions agricoles permettra de contribuer au rééquilibrage des marchés des filières les plus fragilisées par les mesures de confinement, à la condition de limiter les produits importés et de sensibiliser nos concitoyens à l’origine France. C’est en ce sens que les deux syndicats ont écrit aux Présidents respectifs de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France et de Régions de France afin d’appeler les collectivités territoriales à favoriser l’origine France dans la restauration dont elles ont compétence. Pour ce qui est de l’Etat, ce type d’engagement doit aussi être privilégié dans la restauration collective administrative, hospitalière ou pénitentiaire qui sont restées en activité durant la période du confinement.
UE / FEADER : DES MESURES DU DÉVELOPPEMENT RURAL FLÉCHÉES VERS LA TRÉSORERIE DES EXPLOITATIONS AGRICOLES
La Commission européenne propose de mobiliser jusqu’à 1% du budget FEADER 2014/2020 pour une nouvelle mesure, de soutien temporaire exceptionnel pour les agriculteurs et les PME actifs dans la transformation, la commercialisation et/ou le développement de produits agricoles particulièrement touchés par la crise Covid-19. La mesure proposée consiste en une aide forfaitaire plafonnée à 5 000€ par exploitation agricole et 50 000 € par Plan de Maîtrise Sanitaire (PMS), distribuée selon des critères objectifs et non discriminants, qui doit être versée avant le 31 décembre 2020. La FNSEA salue cette initiative qui doit être adoptée rapidement par les institutions européennes et mise en œuvre par les Régions. Encore faut-il qu’il reste des fonds FEADER disponibles. Il semble donc indispensable de permettre l’utilisation de l’enveloppe budgétaire de Leader, qui est la seule à disposer de marge de manœuvre budgétaire.
COMMERCE INTERNATIONAL : STOP OU ENCORE ?
Avec la crise du Covid-19, le commerce international subit une forte chute. Le commerce mondial des marchandises devrait afficher un recul de 13% à 32% en 2020 du fait de la pandémie de Covid-19. De nombreux pays ont mis en place des mesures de restrictions sur le matériel médical, mais aussi sur les produits agroalimentaires. Les règles de l’OMC ménagent en effet aux membres une large marge de manœuvre pour adopter les mesures commerciales jugées nécessaires pour protéger la santé et le bien-être des populations. A l’inverse de cette logique, la Commission européenne continue les négociations d’accords de libre-échange, comme avec la Nouvelle-Zélande, et a même finalisé un accord avec le Mexique ! Si les échanges internationaux sont indispensables pour assurer l’alimentation de l’humanité (aucun pays n’est autosuffisant sur tous les produits), et que des événements climatiques rendent nécessaires l’accès à des marchés mondiaux en capacité de fournir, ces échanges doivent être mieux organisés ! C’est l’objet d’un avis en cours d’élaboration, porté par la FNSEA dans le cadre des travaux du Comité Economique et Social Européen pour des clauses de sauvegarde efficaces dans les accords de libre-échange. C’est aussi le principe d’initiatives variées (type AMIS) pour améliorer la transparence sur ces marchés internationaux. La crise du Covid-19 met en lumière le besoin vital du commerce international agroalimentaire, mais aussi la nécessité d’en revoir les règles pour respecter la souveraineté alimentaire en France, comme dans les pays tiers, pour prendre en compte la durabilité et le changement climatique avec l’accord de Paris, et enfin amorcer un commerce plus équitable.
Cette semaine focus particulier sur les filières : veaux de boucherie, pommes de terre, apiculture et cidre.
VEAUX DE BOUCHERIE
Etat général de la production : Lors des semaines 14 à 16, les abattages moyens se situaient 17% en-dessous par rapport à 2019 (après -35% en semaine 13). (source FNB/Interbev). Les cours du veau de boucherie se dégradent : baisse de 90 cts/kg pour le veau O rosé et 52 cts/kg pour le veau R par rapport au début de la crise.
Contexte de marché : Forte baisse des ventes avec : quasi-arrêt de la RHD/RHF et une baisse de mise en avant de la viande de veau dans les linéaires et les rayons traditionnels des GMS.
Risques identifiés / Actions envisagées : La Pentecôte est l’un des 4 temps forts de l’année. L’ensemble de la filière a travaillé pour une mise en avant indispensable de la viande de veau dans les enseignes de la grande distribution. Une inquiétude persiste sur la manière dont pourront être absorbés les stocks a posteriori : report estimée à date entre 21 000 et 27 000 animaux (source FNB). Inquiétude aussi sur l’allongement des durées d’engraissement et des vides sanitaires au sein des exploitations. La plupart des contrats encore en vigueur sont sous le régime de l’ancien contrat-type et ne protègent pas suffisamment les éleveurs. Les données de terrain indiquent une baisse de mise en place en atelier d’engraissement depuis la semaine 14. Cela pourrait engendrer une baisse des achats de petits veaux et une baisse importante des sorties à l’automne.
POMMES DE TERRE
Etat général de la production : Au niveau européen, ce sont près de 3 millions de tonnes de pommes de terre qui se retrouvent sans débouché, dont 500 000 tonnes en France. Forte inquiétude des producteurs sur ces stocks non négligeables qui restent dans les fermes. Des pertes allant jusqu’à 500 000 € par producteur selon le volume contractualisé.
Contexte de marché : La situation est très contrastée. Le marché du frais pour la consommation à domicile se porte bien (+31,3% par rapport à la même période de 2019, source FranceAgriMer). Le marché du surgelé est en nette baisse du fait que certaines références sont vendues spécifiquement à la RHD (restauration hors domicile) sur les marchés européens et mondiaux, et représentant plus de 50% de la consommation. La plupart des usines sont donc à l’arrêt avec un report impossible de l’ensemble des volumes vers le frais ou les produits transformés en GMS. Quant au marché à l’export celui-ci s’écroule, avec des prix divisés par 2 voire 3.
Risques identifiés / Actions envisagées : La filière étudie plusieurs possibilités pour trouver des débouchés aux pommes de terre destinées habituellement à la transformation en les réorientant vers l’alimentation animale, les féculeries, la méthanisation ou le compostage. Mais ces opérations, notamment de solidarité avec les éleveurs, ont un coût en matière de stockage et de transport (40€/t rien que pour le transport). Des difficultés sont de plus rencontrées concernant la conservation des pommes de terre, faute de disponibilité des produits (antigerminatif).
APICULTURE
Etat général de la production : Excellent démarrage de la saison apicole mais pas forcément de débouchés immédiats pour le miel français (fermeture des marchés). D’après une enquête d’ADA France : 50% des apiculteurs faisant appel à de la main-d’œuvre rencontrent des difficultés (annulation de stages, manque de saisonniers) et 35% des apiculteurs interrogés font remonter des difficultés à conjuguer vie personnelle et professionnelle, notamment concernant la garde des enfants. La principale perturbation de l’activité est liée à la vente directe (65% des répondants), mais aussi en livraison et semi-gros, à l’approvisionnement en matériel apicole (45% des répondants) et à la recherche d’emplacements (32% des répondants). Néanmoins, dans 14% des cas les ventes ont augmenté.
Contexte de marché : En France, le prix moyen en 2019 du miel est estimé à 4,6 €/kg (prix payé aux apiculteurs). La vente directe représente 42% des circuits de commercialisation des apiculteurs possédant entre 150 et 400 ruches. Les apiculteurs de plus de 400 ruches écoulent majoritairement leur production de miel via les conditionneurs. Dans certaines régions, ces apiculteurs ont des stocks d’invendus des saisons passées, liés à la concurrence de miel d’import à moindre coût (1,24 €/kg pour du miel chinois en 2019). Dans le cadre de la crise sanitaire, on note un impact sur la consommation de miel toutes origines confondues : une hausse de la consommation est observée en grande surface, liée en partie à un report des habitudes de consommation mais aussi à une augmentation des ventes de manière générale. Pas d’information à ce stade sur le fait que cette hausse profite au miel d’origine française.
Risques identifiés / Actions envisagées : Les risques financiers à longs termes identifiés sont variables selon les situations : 40% des apiculteurs s’attendent à un impact financier faible sur leur exploitation qui serait faible, voire même nul, 26% s’attendent à un impact financier moyen, 34% à un impact financier important. A court terme, il est à craindre une perte de revenus liée à la fermeture des marchés pour les exploitations reposant essentiellement sur de la vente directe. A plus long terme, la crise pourrait perturber un marché du miel français déjà affaibli par les importations : les surstocks déjà accumulés par les apiculteurs vendant aux conditionneurs pourraient augmenter.
CIDRE
Etat général de la production : Avec les conditions climatiques actuelles, la récolte de fruits à cidre s’annonce précoce et plus abondante que ces dernières années.
Contexte de marché : Le marché domestique représente 85% des ventes de cidre (60% : grande distribution, 40% : RHF ou vente directe). La crise sanitaire impacte fortement le marché national avec des pertes de l’ordre de 20% en GD et un arrêt quasi complet des ventes dans les autres circuits. Les exportations, qui représentent 15% des ventes, sont fortement impactées par la crise (-40%). C’est ainsi près de 50% du chiffre d’affaires de la filière qui disparaît chaque jour en France. Les cidriers de petite taille, fermiers ou artisanaux, fortement dépendant des ventes en cafés/hôtels/restaurants et liées au tourisme connaissent des pertes de chiffre d’affaires de 75 à 80% en moyenne. Marché déséquilibré : 200 000 hectolitres de cidre et 100 000 tonnes de
Pommes à cidre
Risques identifiés / Actions envisagées : La production de cidre à partir de pommes à cidre 100% françaises, qui n’ont aucun autre débouché. La crise est d’autant plus grave que la période concernée, et particulièrement l’été, sont des périodes d’activités majeures pour les producteurs de cidre. Les ventes faibles voire inexistantes de ces dernières semaines empêchent les cidreries d’écouler leurs stocks avant la prochaine récolte, ce qui fait craindre une crise très probable pour les producteurs.