N°9 – Semaine du 18 mai 2020
Dans le contexte inédit de l’épidémie de Covid-19, la question de la sécurité et de l’approvisionnement alimentaire revêt une préoccupation importante pour les Français et sollicite la réponse adaptée des pouvoirs publics. Dans sa volonté de poursuivre le dialogue avec ses interlocuteurs institutionnels, la FNSEA a souhaité mettre en place une lettre d’information, « Le Fil Agricole », vous permettant d’être tenu informé(e), de manière hebdomadaire, des enjeux de la production et de la distribution des produits agricoles. Dans l’espoir que cette publication puisse retenir votre attention et à votre entière disposition pour toutes demandes complémentaires.
« NE REJOUONS PAS À LA ROULETTE RUSSE AVEC DES PRIX TOUJOURS PLUS BAS » DANS LES ASSIETTES
Dans une interview accordée au quotidien Les Echos, le 15 mai dernier, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert fait le point sur les filières en difficulté (horticulture, pommes de terre, cheval, volailles, viticulture, etc.) et demande « que la commande publique joue son rôle ». Reconnaissant que la majorité des acteurs ont contribué à assurer l’approvisionnement alimentaire des Français, Christiane Lambert demande à ne pas rejouer « à la roulette russe des prix toujours plus bas », et qu’on puisse donner « le choix aux consommateurs », en termes de produits. Défendant l’idée d’une souveraineté alimentaire solidaire, elle réfute toute volonté de protectionnisme, car cette « souveraineté se jouera à l’échelle européenne », insiste-t-elle. La présidente de la FNSEA indique, par ailleurs, que « le monde agricole est prêt à avancer dans la transition écologique », car l’idée d’un « Green Deal » est toujours sur la table.
FACE AU SURSTOCKAGE, L’URGENCE DE PRIVILÉGIER L’ORIGINE FRANCE DANS LA COMMANDE PUBLIQUE
Dans le contexte actuel de crise sanitaire, le surstockage lié à une perte massive de débouchés devient une préoccupation montante pour la profession agricole. Une conséquence de la fermeture de la Restauration Hors Foyers (RHF), et la fermeture des établissements et administrations publics qui avaient contracté des volumes avec les entreprises de plusieurs filières animales ou végétales. L’enjeu de redémarrer la RHF avec une préférence aux produits français est indispensable, en réponse à la crise de certaines productions. Privilégier l’approvisionnement français et éviter les importations lorsque la production nationale est en excès représentent aussi un acte de solidarité nationale avec les producteurs en crise. Compte tenu de la situation d’urgence, la FNSEA propose de mettre en place une expérimentation d’une durée de 18 mois, qui encouragerait à la passation de contrats publics, portant en particulier sur des denrées alimentaires françaises et/ou locales surgelées, qui seraient honorés à la sortie de la crise sanitaire. Cette expérimentation intégrerait la possibilité de privilégier une origine pour certains lots spécifiques dans le cadre de la commande publique au cours de l’année 2020 et 2021. La FNSEA espère des évolutions législatives concrètes en ce sens dans les prochains projets de loi présentés au Parlement, notamment celui relatif à la relance économique.
SIGNATURE D’UN PROTOCOLE PARITAIRE POUR LA SANTE ET LA SÉCURITÉ DANS LES EXPLOITATIONS ET LES ENTREPRISES AGRICOLES
Parce que la santé des travailleurs agricoles est au cœur de ses préoccupations, la profession agricole a souhaité s’engager fortement dans l’élaboration d’un protocole sanitaire. Dans cette optique, un protocole de sécurité sanitaire pour les exploitations et les entreprises de la production agricole vient d’être signé par la FNSEA, la FGA/CFDT, la FGTA/FO, la CFTC Agri et le SNCEA/CFE-CGC. Ce protocole a pour vocation de permettre la continuité ou la reprise de l’activité dans le respect strict des règles sanitaires. La FNSEA a choisi d’accompagner ce protocole d’une fiche à destination des employeurs (évaluation des risques professionnels, prévention des activités…) sur laquelle sont mentionnés des outils d’aide à la mise en place des mesures de prévention et du plan de déconfinement du Gouvernement.
LES PREMIÈRES PISTES DE SOUTIEN POUR LES FILIÈRES HORTICOLE ET CIDRICOLE DOIVENT ETRE RAPIDEMENT COMPLÉTÉES
Après les annonces du Gouvernement en direction du secteur viti-vinicole, le Ministre de l’Agriculture a présenté les premières pistes pour venir en aide aux filières cidricoles et horticoles, particulièrement mises en difficulté par la crise sanitaire. Pour les producteurs de fruits à cidre, le Gouvernement propose une exonération de 50% des cotisations sociales patronales sur les salaires, sans se prononcer toutefois sur les charges sociales des exploitants agricoles. Ces producteurs regrettent qu’aucune mesure de déclenchement des mesures de retrait de marché au niveau européen, ainsi que sur la mobilisation des budgets nécessaires à leur mise en œuvre, n’a été annoncée, alors qu’elle est pourtant indispensable pour dégager le marché à l’arrivée de la prochaine récolte, et ne pas déstabiliser les prix. Pour les horticulteurs, le Gouvernement propose de travailler sur une exonération de cotisations sociales sur les salaires, à configurer selon la nature des entreprises et des métiers, ainsi que, dans le cadre de l’activation de l’article 222 de l’OCM (Organisation Commune des Marchés), sur une compensation financière des destructions de stocks de végétaux. Enfin, le Ministre de l’Agriculture a plaidé pour un soutien public à destination de ces deux filières dans le cadre de la campagne de communication « Sortie de confinement ». Une première série de mesures jugées insuffisantes autant par les producteurs de fruits à cidre que par les horticulteurs, estimant que les pouvoirs publics doivent débloquer les fonds nécessaires pour soutenir et relancer ces productions agricoles fortement touchées par la crise sanitaire.
FNSEA ET DBV DEMANDENT UN PROJET AMBITIEUX POUR L’AGRICULTURE EUROPÉENNE
Le DBV – Association des agriculteurs allemands – et la FNSEA ont récemment échangé sur les sujets d’actualité européenne en vue de trouver des points de convergence sur l’après crise. Si la Commission européenne a mis en place des mesures d’urgence pour certains secteurs parmi les plus impactés, aucun secteur ne doit cependant être laissé de côté. DBV et FNSEA s’opposent au recours à la réserve de crise, prélevée sur les aides du 1er pilier de la PAC, pour financer toute mesure supplémentaire nécessaire. Un budget de crise pour venir en aide aux agriculteurs devrait être financé hors PAC. DBV et FNSEA réitèrent leur demande d’un budget stable et fort pour la PAC, dans le prochain Cadre Financier Pluriannuel. Sur la base d’un budget conforté, les réflexions concernant l’évolution de la PAC pourront alors être finalisées. De plus, les stratégies « De la Ferme à la Fourchette » et « Biodiversité 2030 » auraient dû être reportées : DBV et FNSEA regrettent une approche peu réaliste et arbitraire concernant certains objectifs n’ayant pas fait l’objet d’études d’impact appropriées, en particulier sur le plan économique. Les objectifs environnementaux doivent être fixés en concertation avec les agriculteurs, également en tenant compte de la concurrence internationale. Enfin, l’agriculture devra être traitée comme un secteur essentiel, dans le cadre du plan de relance européen : des fonds pour les investissements et les innovations doivent être mis à disposition dans le cadre du Plan de relance. Les agriculteurs allemands et français sont prêts à jouer leur rôle. Les décideurs, les citoyens et les consommateurs doivent permettre aux agriculteurs de vivre dignement de la vente de leurs productions, afin de concilier activité économique et transitions climatique et environnementale.
CONTEXTE GLOBAL
Le risque de disparition à très court terme de certaines exploitations agricoles est de plus en plus élevé. La FNSEA milite, en urgence, pour un plan de soutien adapté pour ces producteurs qui ne sortiront pas indemnes de la crise : la prise en charge des cotisations sociales (charges patronales des employeurs et charges sociales personnelles des agriculteurs) ; une compensation à la perte de chiffre d’affaires ; une aide à la distillation de crise, au stockage ou au transport pour les filières qui n’ont pas obtenu le budget nécessaire au niveau européen ; un accompagnement aux coûts induits pour le dégagement des pommes de terre vers des débouchés alternatifs (alimentation animale, méthanisation…), dont la prise en charge de la logistique et un avantage fiscal en cas d’opération de solidarité entre producteurs. Enfin, le plan de relance envisagé par le Gouvernement devra aussi intégrer un volet agricole. Les producteurs devront être accompagnés financièrement pour les investissements qui leur permettront d’adapter leurs exploitations et rester en phase avec la demande. Les conséquences de la crise ne leur permettront pas de financer ces investissements seuls.
Cette semaine, focus particulier sur les filières les plus impactées par la crise, avec rapide tour d’horizon sur leurs pertes de chiffre d’affaires (CA) et l’évolution de leurs stocks depuis le début du confinement.
AVICULTURE
Les pertes pour la filière avicole sont très importantes, du fait notamment de la fermeture de la RHF. La perte est évaluée d’ici décembre 2020, par filière, à : 136 Millions€ pour le canard à rôtir, 4,1 M€ pour la caille, 713 000 € pour le poulet de Bresse, 5,6 M€ pour le pigeon, 13,8 M€ pour la pintade, 45,5 M€ pour le canard gras, 40 à 45 M€ pour le gibier à plume. Concernant le stock, celui-ci de la volaille est estimé à 40 000 tonnes à fin juin 2020. Canards, pigeons, cuisses de poulet et dinde représentent 23 000 tonnes et les palmipèdes gras / foie gras : 4 200 tonnes de stockage additionnel prévu à fin juin 2020.
FROMAGES AOP
Du 15 mars au 30 avril, la perte de CA de la filière pourrait s’élever à 157 M€. 1000 tonnes de fromages AOP et IGP ont été stockés depuis le début de la crise.
HORTICULTURE
200 M€ de pertes de CA déjà effectives, et 400 M€ de pertes prévues d’ici la fin de l’année 2020.
VITICULTURE
Estimation d’une chute des ventes de l’ordre de 40 à 50% pour l’ensemble de la filière, 3 millions d’hectolitres en surstock, à distiller.
FRUITS A CIDRE
Perte de près de 50% du chiffre d’affaires de la filière depuis le début du confinement. Le stock est évalué à 200 000 hectolitres de cidre, et 100 000 tonnes de pommes à cidre.
PISCICULTURE
Sur le mois de mars, environ 9 millions d’euros de perte (en comptant 2 semaines d’activité non impactées), 11 M€ de pertes envisagées au mois d’avril et 12 millions au mois de mai. Détails des pertes en mars : Truite et étangs : 3,5 M€, Écloserie : 420 000 €, Grossissement : 360 000 €, Truite : 1,7 M€, Caviar : 2,4 M€.
CHEVAL
Entre le 15 mars et le 30 avril, 8000 € de perte en moyenne par entreprise, soit une perte globale pour le secteur avoisinant les 52 M€.
POMMES DE TERRE
100 M€ pour le seul maillon agricole, auxquels il faut ajouter les coûts liés à la destruction. Au total, la filière estime une perte de 120-130 M€. 450 000 tonnes de pommes de terre destinées à la transformation restent en stock.
LIN
Le marché du textile, principal débouché de la filière lin (90%), a connu une chute d’au moins 50% en mars et donc un arrêt brutal des achats de fibres. 2/3 en moyenne de la récolte 2019 reste à teiller à fin mars 2020, un report de paille massif est donc à prévoir.