Le projet de loi de finances 2021 (PLF 2021) est examiné par les députés, en première lecture depuis le lundi 12 octobre. Quant au projet de loi sur le financement de la Sécurité sociale (PLFSS) qui fait déjà l’objet de 1 220 amendements, il est examiné par la Commission des Affaires de l’Assemblée, avant une discussion prévue fin octobre début-novembre. Le vice- président de la FNSEA, Luc Smessaert fait le point sur ces deux dossiers. Pour lui, le PLF 2021 doit redonner de la compétitivité à l’agriculture française.
Interview de Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, président de la Commission fiscale
Luc Smessaert : La FNSEA souhaite que ce PLF 2021 incarne totalement le plan de relance en agriculture (1,2 milliard d’euros) initié par le Gouvernement et qu’il inclut les mesures transversales comme la relocalisation des industries agroalimentaires dans les territoires, les investissements dans les technologies d’avenir, ceux dans les énergies décarbonées, le plan de soutien à l’export. Ce PLF 2021 doit être l’occasion de redonner de la compétitivité à l’agriculture française, au sens large du terme, sans laquelle l’objectif de souveraineté alimentaire ne saurait être atteint.
LS : D’une manière globale, et contrairement à l’industrie, notre secteur est peu impacté par les impôts de production à l’exception notable de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB). Nous avons fait savoir au Gouvernement que l’agriculture ne pouvait être exempte des mesures de baisse générale avec en ligne de mire la TFNB, aussi bien payée par les propriétaires que par leurs fermiers. Dans un contexte où la maitrise de nos marges est un combat quotidien, une taxe de ce type, non corrélée à notre résultat ni même à notre chiffre d’affaires est parfois un véritable poids mort pour nos exploitations. Pour corriger cette iniquité, la FNSEA propose une augmentation du taux d’exonération permanente des parts communale et intercommunale de la TFNB, en le passant de 20% actuellement à 50%.
LS : La question du maintien des exonérations sur le GNR agricole revient chaque année dans les discussions budgétaires. C’est une épée de Damoclès qui pèse sur notre secteur, pouvons-nous continuer ainsi ? J’ai le souvenir que le Président de la République voulait mettre fin à la situation « absurde où l’on importe de l’énergie, en particulier les hydrocarbures, là où nous avons les moyens d’en consommer moins et mieux ». A la FNSEA, nous lui disons banco pour impulser le développement d’un carburant vert qui pourrait à terme remplacer le GNR dans nos machines agricoles. Nous prouvons, depuis de nombreuses années que nous sommes capables de répondre à ce défi à travers nos usines de bioéthanol et de biodiesel. Ainsi nous réduirions notre dépendance aux producteurs étrangers, en augmentant la production de coproduits au B100, que sont l’huile à usage alimentaire et les tourteaux pour l’alimentation des animaux d’élevage. Dans cet objectif, nous avons entrepris un travail conséquent afin de pousser le Gouvernement à évaluer les modalités de création d’un futur GNR « biocarburant », issu de l’agriculture française et à destination des agriculteurs. Je rappelle que la France est aujourd’hui le leader européen de la fabrication de biocarburants, à l’Etat maintenant d’accompagner nos exploitations dans l’utilisation généralisée de ces carburants avec les aménagements techniques et fiscaux adéquats. C’est une orientation de bon sens, que nous devons défendre pour plus de résilience dans nos exploitations !
LS : Plus que jamais, car ce dispositif vise à soutenir les employeurs de saisonniers agricoles par rapport aux pays européens ayant des salaires minima très inférieurs au SMIC. Il permet de lutter contre les distorsions de concurrence sociale. Ce dispositif devait s’achever au 1er janvier 2021. À la suite d’une forte mobilisation de nos réseaux pendant l’année 2020, le Premier ministre et le ministre de l’Agriculture ont finalement annoncé la reconduction du TO-DE pour un an. C’est une annonce positive et attendue. La FNSEA appuie tous les efforts qui seront engagés, dans le cadre du PLFSS 2021, pour pérenniser ce dispositif afin d’apporter une visibilité aux employeurs du secteur agricole.
LS : Il s’agit d’accélérer le mouvement d’uniformisation de l’assiette sociale pour tous les non- salariés, dont les agriculteurs. C’est ce qui était prévu dans le cadre de la réforme des retraites avec la mise en œuvre, dès 2022, d’une nouvelle assiette unique et identique pour les cotisations sociales, la CSG et la CRDS. Cette mesure répond à un triple objectif. De justice, par la suppression de l’assiette minimum ‟de fait” de la CSG/CRDS induite par l’inclusion dans l’assiette de cotisations sociales de contributions basées sur des assiettes minima. D’équité, par l’exclusion de l’assiette de CSG/CRDS des cotisations sociales à l’instar des salariés. De simplification enfin, car il n’existe pas moins de trois assiettes (nette, brute et super-brute) entre la fiscalité, les cotisations et contributions sociales et la circularité du calcul des cotisations est source de complexité et nuit à la réactivité de l’assiette. Cette nouvelle définition est un véritable facteur de compétitivité pour nos exploitations.
LS : En votant son rapport d’orientation la FNSEA a souhaité s’engager dans un nouveau pacte avec les citoyens et l’état pour accompagner une agriculture responsable qui répond au défi alimentaire tout en améliorant son empreinte carbone. Pour cela nous évoquons dans ce rapport les moyens pour atteindre cet objectif, parmi lesquels la nécessité de maintenir à leur niveau actuel les crédits consacrés à la recherche et aux réseaux de développement, afin d’accompagner un maximum d’agriculteurs dans cette démarche. Dès la préparation du budget 2021, l’État reprend ses vieilles habitudes et propose une baisse substantielle du plafond de dépenses affecté au développement agricole et rural (CASDAR). Ce n’est sûrement pas au moment où la profession agricole prend des engagements pour préparer l’avenir qu’il faut limiter les moyens alloués à la recherche et au développement. Un peu de cohérence serait nécessaire et même de rigueur si l’on veut rendre lisible notre action !