Plus d’un an après le lancement des États Généraux de l’Alimentation, l’examen de la loi qui devait mettre en œuvre les conclusions de cet exercice de concertation inédit, approche de son terme et ses ambitions fondamentales ne sont pas atteintes.
La FNSEA et JA ne renient en rien les conclusions des quatorze ateliers rendues en décembre dernier. Nous restons en phase avec des orientations centrales de ces états généraux, à savoir inverser la logique de construction des prix par une contractualisation rénovée, par des plans de filières ambitieux en adéquation avec les différentes demandes des marchés et impliquant notamment certaines montées en gamme. Mais nous ne pouvons que constater que la loi est sur le point d’échouer à offrir les garanties nécessaires à la réussite de ces objectifs.
En refusant de sécuriser la référence à des indicateurs de coûts de production dans les contrats par un recours automatique à l’observatoire des prix et des marges en cas d’échec des interprofessions à les définir, le législateur, qui semble se fier sans les discuter aux arguments du gouvernement, s’apprête à livrer un édifice dont le premier pilier restera éminemment fragile.
L’obligation maintenant affichée pour les interprofessions de produire ces indicateurs n’est malheureusement qu’un leurre dans la mesure où rien n’est prévu si cette obligation n’est pas satisfaite. De fait, en envoyant aux acteurs économiques des injonctions à faire, l’état leur renvoie la responsabilité et refuse d’assumer son rôle de régulateur: s’apprêterait-il à se laver les mains de la situation des producteurs ?
Les dernières évolutions du 2ème pilier de la loi sont pour leur part d’une rare incohérence: si le législateur a entendu notre cri d’alarme sur les importations distorsives qui plombent la compétitivité de notre agriculture, il n’hésite pas à rajouter des charges supplémentaires aux exploitations agricoles. Il va même jusqu’à supprimer –à la demande du gouvernement-la consécration par la loi du CORENA (Comité de Rénovation des Normes en Agriculture), un des seuls outils qui puisse œuvrer pour des normes cohérentes, applicables et garantir leur non-surtransposition, pourtant promise par le Président de la République.
Il est encore un peu tôt pour dresser le bilan définitif d’une loi qui va connaître dans les jours qui viennent une nouvelle lecture au Sénat, et dont plusieurs ordonnances sont encore à dévoiler, particulièrement celle qui concernera les prix abusivement bas. Mais les agriculteurs, qui ont écouté les propos répétés du Président de la République depuis sa campagne électorale et qui y ont entendu un engagement à mettre fin la spirale des prix toujours moins-disants, qui plombent l’agriculture et ses capacités à répondre aux nouvelles demandes des citoyens, ces agriculteurs sont en train de se dire que cet engagement fondamental n’était peut-être finalement qu’une incantation.
La FNSEA et JA appellent les interprofessions à tout mettre en œuvre pour produire les indicateurs qui devront faire référence dans l’établissement des contrats. Mais nous appelons aussi les sénateurs et le gouvernement à profiter des derniers jours d’examen de la loi pour lui apporter la consolidation nécessaire à la réussite de plus d’un an de travail de toutes les parties prenantes et à une construction durable des prix agricoles en marche avant.