Monsieur le Premier ministre,
Les chiffres de la prédation en France sont accablants. Les loups sont désormais présents dans 40 départements auxquels il faut ajouter ceux impactés par les ours, lynx et vautours. Nous recensons 1401 attaques (alors même que les attaques sur bovins et équins se sont que peu reconnues) et un taux de 47% d’attaques multiples d’un même troupeau uniquement pour la prédation du loup. Les pouvoirs publics vont-ils laisser le monde agricole seul face à cette pression constante des prédateurs (loup, ours, lynx, vautours) ? La pression sur la faune sauvage est identique avec une diminution importante de populations de mouflons, de chevreuil ou encore de chamois, sur certains massifs ou dans certaines vallées.
La dégradation des conditions de travail génère des traumatismes irréversibles sur la santé de éleveurs et celle de leur famille. Elle met aujourd’hui en péril une filière d’élevage particulièrement vertueuse, le pastoralisme, qui répond clairement à une demande sociétale : entretien des paysages, prévention contre les risques naturels (incendies/avalanches), préservation de la biodiversité et pratique de l’élevage à l’herbe en plein air des troupeaux.
Les attaques se multiplient et nous demandons le droit pour les éleveurs de travailler dans la sérénité, de pouvoir protéger, en permanence, leurs animaux, sur tout le territoire et en toute sécurité, pour atteindre l’objectif du « zéro attaque » sur les troupeaux domestiques. La réponse des pouvoirs publics ne doit plus se limiter à une gestion purement administrative du nombre de loups à prélever, comme c’est le cas aujourd’hui pour garder des marges de manœuvre en fin d’année. Ce fonctionnement ne répond absolument pas aux besoins des éleveurs victimes d’attaques de leurs troupeaux.
A ce jour, beaucoup d’anomalies subsistent. L’Office Français de la Biodiversité reconnaît lui-même que le système de comptage de loups a atteint ses limites et est désormais trop imprécis (624 loups pour 2020 avec un intervalle compris entre 414 et 834 individus) ! Comment adapter les politiques publiques et espérer qu’elles soient efficaces, face à un phénomène que l’on ne peut pas quantifier ?
Les victimes sont les éleveurs qui alertent continuellement sur cette réalité ignorée. Nous demandons donc que des comptages complémentaires soient effectués par la Fédération Nationale des Chasseurs. Ces derniers sont, aujourd’hui déjà, mobilisés pour l’évaluation de la population de nombreuses autres espèces sauvages. Leur expertise en la matière est un atout qu’il faut exploiter. Un travail doit être mené avec l’OFB et les scientifiques pour faire évoluer les moyens dédiés à l’évaluation des populations de loups. Le réseau des chasseurs doit être davantage impliqué pour obtenir des chiffres concordant avec la réalité de terrain.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré le 10 septembre 2021 à l’occasion des Terres de Jim, devant la jeunesse agricole « La seule manière de réduire le nombre d’attaques, c’est d’acter qu’il y a des vallées où il y a des individus qui sont trop nombreux et trop dangereux. Et donc c’est de gérer de manière très claire […] et de faire des prélèvements partout où ça dérape et pas uniquement sur les points noirs qui recensent plus de 30 attaques. […] c’est comme ça qu’il faut gérer les choses. ». Le bon sens est là mais les actions concrètes font toujours défaut. Nous voulons que ce sujet soit traité de manière pragmatique et raisonnable, en associant étroitement les élus de territoires, les acteurs économiques et la société civile. Les plans de gestion de tous les prédateurs doivent être revus. Le temps est maintenant venu de passer de la gestion à la régulation des populations de loups, d’ours et de vautours. Parallèlement, il faut faciliter la mise en œuvre des tirs de défense accordés aux éleveurs pour les rendre efficients. Dans cet objectif, nous voulons travailler avec les pouvoirs publics pour autoriser le matériel qui permettrait d’assurer la sécurité physique de tous les acteurs de terrain. La fréquentation humaine des alpages a fortement augmenté depuis le confinement de jour comme de nuit. L’utilisation de lunettes thermiques est devenue indispensable pour éviter tout accident. Aussi, nous demandons le droit d’utiliser ce matériel dans le cadre des tirs de défense simple et renforcée pour les éleveurs ou les chasseurs préalablement formés.
Les solutions existent, il ne tient qu’au gouvernement de décider de leur application.
Aujourd’hui, lorsque le plafond annuel de prélèvement de loups est atteint, les arrêtés de tirs de défense sont suspendus, laissant l’éleveur démuni face à une attaque. Cette situation n’est pas acceptable. A quelle autre profession, demandons-nous d’attendre sagement face à un carnage ? De voir ses bêtes mourir, de subir d’importantes pertes économiques sans possibilité d’agir et ce, dans un climat anxiogène ? Autoriser toute l’année les tirs de défense permettrait d’apporter une réponse mesurée, respectueuse des équilibres puisqu’en place uniquement en cas de risque d’attaque avéré.
En matière de protection, les chasseurs ont toujours été un appui précieux pour les éleveurs mais sont contraints à des moyens de plus en plus restreints. Il est donc nécessaire de déclencher rapidement les tirs de prélèvement en action de chasse à proximité des troupeaux afin d’en assurer efficacement la défense et d’optimiser l’appui des chasseurs dans ce cadre. Ce dispositif a fait ses preuves jusqu’à présent : il est incompréhensible qu’il ait été écarté. Il doit être remis en place partout où cela est justifié, sur décision du préfet du département concerné.
De plus, les disparités territoriales viennent s’ajouter à la complexité et à l’irrationalité administrative. Les éleveurs dans les cœurs de parcs nationaux et les réserves naturelles nationales n’ont, quant à eux, aucune solution (sauf le cas des Cévennes). Rien ne leur est proposé pour protéger efficacement leurs animaux. Nous n’acceptons pas, que toute une partie de la profession soit laissée sans solution.
Nous ne pouvons pas admettre non plus que des éleveurs contraints d’avoir des chiens de protection pour protéger leur troupeau soient condamnés en cas de conflits d’usages avec des randonneurs ou autres utilisateurs de l’espace pastoral.
« Personne n’a envie d’être indemnisé », c’est ainsi que le Président de la République rappelait la difficulté vécue par les éleveurs qui subissent la prédation. Les éleveurs dans ces zones sont les garants d’une tradition d’élevage vertueuse et ancestrale. Ils ne peuvent se sentir abandonnés plus longtemps. L’action des éleveurs et des chasseurs sur le milieu naturel a permis d’avoir une faune sauvage diversifiée avec le maintien d’espèces emblématiques. Ils ne veulent pas voir disparaître des années d’effort au profit d’une seule espèce.
Voulez-vous, Monsieur le Premier Ministre abandonner les paysages de montagne, le pastoralisme et notre faune sauvage ? Souhaitez-vous que des jeunes fassent le choix de cette méthode d’élevage, alors qu’aujourd’hui ils sont démoralisés par les contraintes et les risques inhérents à la présence des prédateurs ?
Il est grand temps de traduire en actes les propos du Président de la République prononcés lors des Terres de Jim et d’appliquer les solutions de bon sens qui existent, pour que le travail des éleveurs soit considéré et respecté.
Quand votre gouvernement va-t-il se mettre à la tâche sur ce dossier pour donner véritablement des perspectives crédibles aux éleveurs actuels et à leurs successeurs et des moyens efficaces pour réguler les prédateurs ?
Nous comptons sur vous, Monsieur le Premier Ministre, pour que les annonces politiques se concrétisent sur le terrain.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de notre considération distinguée.