Les débats parlementaires concernant le projet de « loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » ont débuté par l’examen en Commission Spéciale de l’Assemblée nationale, finalisé le jeudi 18 mars. L’une des mesures phares du projet de loi ?… La création d’une redevance française sur les engrais azotés.
Les arguments avancés par la FNSEA et JA pour demander la suppression de cet article n’ont pas trouvé écho auprès de la rapporteure et des parlementaires de la Commission spéciale. La raison à cette opposition : la disposition permettait de dresser le chemin à parcourir pour réduire la « surutilisation » des engrais minéraux en France.
Des propos qui ignorent les évolutions des pratiques des agriculteurs : peut-on vraiment parler de « sur-fertilisation » des cultures quand on sait que les livraisons en azote ont diminué de 20% depuis 1990 alors que les rendements en céréales ont augmenté de 30% dans le même temps ? En effet, les travaux réalisés par les acteurs de la recherche publique et privée ont permis d’améliorer considérablement la gestion de la fertilisation sur les dernières décennies (méthode du bilan, outils d’aide à la décision, sélection variétale, etc.). En parallèle, les pratiques d’épandage limitant
les émissions se sont développées, permettant de réduire la part des engrais minéraux ainsi que les excédents azotés. Ces efforts ont été réalisés par l’ensemble des productions agricoles : pour illustration, dans les élevages laitiers de l’Ouest, le solde du bilan azoté a diminué de 35% entre 1995 et 2010 et l’utilisation des engrais minéraux, de 50%.
Le projet de loi, en prévoyant la mise en place de cette taxe, balaye l’ensemble des efforts accomplis par la profession agricole. Il risque de renforcer en outre la distorsion de concurrence déjà présente entre les agriculteurs français et ceux des autres pays : en 2020, un agriculteur américain paye 0,65 cts/uN pour l’urée contre 0,92 cts pour un agriculteur
français. Une distorsion qui serait aussi accentuée au niveau européen : de 2014 à 2020, une vingtaine d’états membres, dont les pays du Nord, ont actionné des dispositifs d’aide aux investissements agricoles visant à diminuer les émissions et certains agriculteurs ont ainsi bénéficié de subventions prenant en charge jusqu’à 90% des investissements réalisés.
Enfin, cette taxation stigmatise le recours aux engrais minéraux sans offrir de solutions alternatives : l’étude “Prospectives MAFOR” (2020) menée récemment sous l’égide du Ministère de l’Agriculture a démontré que le gisement en matières fertilisantes d’origine organique ne permettra pas de couvrir l‘ensemble des besoins, et ce même en adoptant une stratégie de « sobriété » en azote.
La FNSEA et JA en appellent donc à la mobilisation des parlementaires pour supprimer cette disposition punitive qui dégraderait considérablement le revenu des agriculteurs sans apporter de réelle réponse aux enjeux climatiques actuels.